Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

atmosphérique!

  • par où

    Elle se lasse autour de mes pieds et délasse mes pas, les enlève

    à la marche du fleuve.

    Tous conviennent de dire que c'est ce qu'il faut, comme ordre, se donner et suivre.

    Mais pas par où.

    Avec nos monstres sur nos talons,

    et le néon du centre de la pièce qui rugit à notre place,

    on ne pense qu'à partir, mais pas par où.

  • Coffrée

    Je me suis coffrée, hein, c'est ça que j'ai fait.

    Ici, tout est noir, tendre et sourd, calciné dans la lumière changeante.

    Le sol spongieux sent le corail bouilli, la muqueuse rôtie au soleil.

    Il ne faut pas se leurer, cet isolement, c'est pour que puisse continuer à battre le coeur.

    Sans echo

    Sans menaces

    Sans menaces des objets pointus, des coins de la pièce,

    ni de la mer, ni des passants.

    Moi, avec mon coffre noir, je ne crains plus les passants.

    Avec mon écrain sans issue, je vis dans un monde où meurt le jugement,

    à la manière dont un grand prédateur suffoque sur une terre sans proie.

    Ainsi, les DENTS DU JUGEMENT CLAQUENT DANS LE VIDE.

    Calfeutrée au sein de mousses vénéneuses,

    dans un espace clôt où la lumière ne s'allume que pour noyer les bruits,

    et les bruits ne résonnent qu'en tombant dans un gouffre noir.

    Ceux, constants, du coeur, à la chaleur de poix,

    Ceux, fluctuants, du sang à la coulée de plomb.

    Pour le reste, les êtres pénètrent et passent dans des vapeurs de goudron, et actionnent la pompe habituelle, la pompe à musique, la pompe à paroles au son cristallin.

    C'est dans cet environnement que se passeront peut-être, avec l'habitude, les rires d'enfant.

  • éh, poupée!

    Elie pénètre à l'intérieur par une petite porte située au niveau de la cheville droite de la gigantesque repique de lui-même qu'il a trouvée sur son chemin lui barrant la route, un jour qu'il marchait sans but sur une voie rectiligne.

    Lorsqu'il passe le seuil, tout se met à trembler. La voûte, très haute, semble de plâtre, qui tombe maintenant par pans entiers. Les morceaux et craquelures suivent les dessins de pauses passées.

    Elie a envie de tâter la substance des murs, qui à y regarder de plus près semble de facture organique. Il se rend compte avec émotion que cette paroi aurait pu être chair si on l'avait, une fois venue au monde, hydratée, abreuvée comme elle le demandait.

    Mais maintenant il est trop tard, et cette chair devenue ciment s'éboule comme elle coulerait des larmes, donc chacune irait rouler au fond du gouffre noir avec les cailloux, les graviers, restes d'organes vitaux eux aussi calcifiés - il y aurait de quoi dresser ici un mémorial Hautement Honorable et Respecté. 

    La belle langue suspendue elle aussi s'est tristement asséchée du Verbe, ses belles différences ratatinées jusqu'aux bornes de l'indistinction. Ainsi, si l'on ne peut s'attendre à rien de bon, cela ne prendra au moins que la forme d'une lente indifférence. Et aucun cri d'alarme ne se fait entendre, simplement les chuchotements des derniers ouvriers, ces quelques fidèles raboteurs de crypte cérébrale qui viennent chaque jour à l'ouvrage même sachant que rien n'en sortira plus. Ils l'accomplissent d'ailleurs aujourd'hui fort mal, avec précipitation, sentant le péril de cette voûte instable. Ils ne vont pas tarder à partir, fermant définitivement la porte sur l'effondrement final, ne pouvant plus grand chose contre le bris des jointures, la fente des soudures et le reste, bref cet assourdissant concert de gémissement de matière. En bas, le roulement du gravier se poursuit et lave jusqu'à la plus fine poudre des restes de vie, ne laissant là que de beaux et durs galets au son clair.

     

    Il dit que la métaphysique lui manque, moi je dis que la religion, celle qui ne s'arrête pas aux pieds de l'individu et à sa propre pédicure personnelle, est absolument absente de l'atmosphère, du bouillon que boivent les gens chaque jour.

  • le choix

    Air raréfié et bruits de feuilles mortes du printemps, quelle tristesse que cette cher morte, toute de beaux espoirs constituée et d'attentes volontaires prêtes à frémir sous le vent.

    Elie écoute le monde et n'entend rien, il marche dans la boue sans éviter cratères ni obus qui, par un miracle toujours renouvelé et très usant, le manquent. [Tout manque et l'espace manque le temps.]

    Son choix, le voilà: il se tient debout, buste nu, dans une marre noire dont l'opacité lui cache ses pieds.

    Malgré qu'il porte de vêtements sales de la veille, il n'admet toujours pas hier.

    Car il vit depuis hier dans un monde de strass et de cuivre où toute valeur doit être inventée.

    Il a de la volonté pour lui-même, mais ce n'est pas la bonne: celle d'avaler des gauffres ou d'inventer un moment familial. Car pour l'heure, son monde est un nid de vipères enroulé autour de ses chevilles comme les chaînes aux pieds d'un noyé.

    Dans les moments délicats, il le porte ailleurs en un nid de chenilles enroulé autour de ses vicères, afin que personne ne le voit.

    Dans sa baignoire, plusieurs semaines plus tard, il réalise que personne ne peut racheter quelque chose qui ait si peu de valeur qu'un tel monde, et il repense à la manoeuvre éhontée, restée inexpliquée, qui l'a fait en arriver là. À la suprême traitrise ensevelie sous un muret de pierres, pierres de sa maison qui n'est même pas maudite faute de le mériter.

    Encore une fois s'il est besoin de le répéter: Elie doit maintenant gagner sa vie en vendant du plomb pour de l'or.

  • Chateau

    Elie relit son terstament et bute sur le testament d'une personne: luttant contre des émotions contradictoires, elle s'était fait une grosse piqûre, avait accepté le pacte de la vie sans personne, de la vie volontaire et très abattue. Elie est assis en haut d'un château de cartes dont il attend que le temps le change en pierres.

    Assurément, ledit chateau est bâti sur les ruines d'une tragédie grècque dont ses habitants essaient  nuit et jour d'oublier le nom. Du pied des murailles ils pointent leurs yeux vers le ciel et espèrent, faute de pouvoir souhaiter mieux pour le reste de leur corps, qu'ils s'y envolent comme des balons d'hélium. On leur a parlé il y a longtemps de l'utilité de ce genre d'ascensseurs hors de la mémoire.

    Et peut-être qu'avec assez de patience ou de volonté le chateau entier s'élèvera lui-même dans les airs, avec ses fondations, tout. Ou alors s'élèvera-t-il en même temps que le monticules de pierres tombales qui constitue sa fondation, et qui ne cesse de croître.

    À commencer par celle d'Elie, le beau, le léger, enterré sous l'épitaphe "Man, Eve, it was all too short".

     

    Sans doute que le réveil demain sera frais et la bible absente, sans doute que nos douze yeux seront revenus à leur place et regarderont devant.

    Certainement pas en arrière, car cette vision a brûlé toutes les autres et leur contenu.

  • rose

    Oh rose du soir, terrible, ouvert,

    cadrure de voie de plâtre alignée sur le Sud,

    ruelle ouverte et droite, mirage de toile colorée et dolente

    faisant flap flap dans le vent.

    On ne sait plus l'âge, ni celui de la photo sur laquelle je me penche.

    Pourtant: tu dictes ce que je dois conclure et mes pas;

    l'air sifflant à mon oreille et les chiens mécaniques de mes pieds sous le ciel qui ne fait aucune retention ni marbrure

    à part les traces et voiles ci-nommées Orgueil / Oubli / Once / Ouragan / Renoncule.

    Crême plate. Platitude onctueuse. Trainées et Molestation.

    Or: tu me dictes les ornières, les chambres, les retards,

    le grain qui ne passe pas, ni ne secoue ni n'ébranle.

    Toujours assise dans cette encoignure après la Grande Marche,

    se joue autour de cette tête d'eau tout un monstre de conjoncture.

    "Pas un fait"! Il y en a tout plein.

    Rose du ciel qui, de fait, baisse, tombe,

    comme un coin enfonçé dans la ville.

    creusant une traverse où l'on circule, les voies minables des passages vides au clair de lune

    où seul on se rend à soi-même,

    Voies ouvertes pour soi seul, boulevard étranger, ville reconnaissable de la Faute Faute Faute.

     

     

  • menthes gelées

    bourbon et sable

    tout à l'heure, les menthes gelées

    sont tombées sur son corps de nouveau

    avec rage, il a tenté de trancher dans le vide,

    refaisant dans sa tête ce schéma de son propre bilan ;

    se préparant au deuil pour ne pas avoir à le faire.

    Le vent dans les graminées semble déjà loin, L'ETERNEL RETOUR AUSSI.

  • malagar

    Double réveil qui masque,

    pantoise, l'éclosion du soleil,

    moite au fond de l'année de peupliers qui plongent

    et courbent le dos de la butte ;

    au sommet de la maison et sa vigne,

    des voix succombent à l'ombre

    des fûts, de l'humidité arômatique qui grimpe le long des bois,

    poutres, et vitrines mortes.

  • baume vénéneux

    Un simple hurlement

    pourrait sortir

    un simple blanc, une contracture musculaire, fourmillement, brûlure triangulaire.

    Genoux concassés, yeux qui pointent!

    tu ne peux pas

    me prendre.

    Une douce chaleur, celle qui pense et desserre la tenaille qui serre mon front,

    celle qui perd et plane,

    hisse le pavillon

    je rêve.

    Je rêve, j'ai mal, j'ai si mal.

    Je reste immobile.

    J'attends la glace ou un peu de fraîcheur,

    de baume : une plante vénéneuse.

     

  • tribunal

    Eve se balançait autour d'un étang

    Pierres Carnassières

    Oeillades Electriques

    Vacarmes Harnachés

    Panique de Singes

    Marge Taciturne

    Fente Tremble

    Lèvres, front indéchiffrables

    Tissage irréfutable de raisons

    Jointure aveugle de pierres

    LE TRIBUNAL CONDAMNE CE QUE J'ÉCRIS

    LE TRIBUNAL CONDAMNE CE QUE JE TAIS

    LARGES ÉPAULES DE CE MONDE

    bourré de raisons enemies

    porte, porte condamnée.

  • fenêtre

    Eve qui cherche dans la longueur, qui laisse la vitre ouverte et sa cage torassique.

    Tente de retrouver son âme parmi les couches de vernis, fait oeuvre de persuasion.

    Tente pour la première fois d'oublier, d'éviter une nostalgie qui en est une dénaturée,

    à la lumière des torches elle regarde les ombres dedans et la lumière d'une autre horaire par la vitre

    qu'elle a paisiblement posée à côté de son lit, sans savoir si c'est pour se rappeler que c'est possible ou pour éprouver que ça ne l'est pas,

    ou simplement pour noyer le doute sous un écran de fumée, de brume ou de vapeur d'eau,

    Eve ne croit pas la cendre parce que d'expérience le monde ne se consume pas au même rythme,

    elle essaie de se convaincre de la permanence du rythme et ne regarde surtout pas les mouvements sur sa gauche, la vie par la fenêtre,

    elle ne veut pas manifester le moindre tressautement de sourcil, de cil, le moindre doute,

    qu'elle ne ressent d'ailleurs pas, étant elle-même, toujours il y a un atroupement dans la rue en bas, des êtres vivants,

    eve ne peut pas mourrir parce qu'on lui en voudrait et elle n'en peut plus qu'on lui en veuille, eve ne peut plus bouger ;

    il est 15h par la fenêtre, elle ne sent plus les odeurs parce que tout ce qu'elle peut exprimer de négatif c'est de la fumée de cigarettes ;

    elle aimerait être une orphèvre, mais elle ne sait pas,

    porter un masque ou une cape,

    fermer la porte, mais elle ne peut pas,

    Eve visible, Eve visible, Eve a le souffle court.

  • vase et eaux

    Oscille entre vase et eau, sur le flanc d'un bord puis l'autre,

    elle verse, se retourne, tremble ; suit le fil et se tord,

    cherche la lumière et s'évapore.

    Elle remonte du fond de l'eau baveuse. Elle chante au vent.

    Elle s'ouvre la poitrine pour rester éveillée.

    Elle reste en surface et pèse la surface à l'aune de son cou,

    elle balade ses tripes entre nénufars et froideurs ombragées.

    Elle respire les fleurs et meurt.

    Elle cherche à réactiver son organisme, elle marque la cadence, elle attend que le soleil tombe et le vol des grues.

    Elle attend le lendemain, se poussant à droite puis à gauche, ne sachant pas.

  • impossible 2

    tout ce qui est impossible ne l'est qu'à temps que ça ne le soit plus

    tout ce qui est eve ne l'est qu'à temps que ça ne le soit plus

    eve n'est déjà plus sur son champ de bataille,

    elle combat dans le vent.

    Eve se suit, elle n'est pas laissée derrière. Elle est toujours avec elle.

    Le champ et la chaise son vides.

  • impossible

    Enfant je me suis penchée là

    Déjà je trouvais ça impossibe

    j'y ai goûté, déjà je trouvais ça inhumain

    Enfant, me demandant ce que c'était l'humain,

    sans comprendre ;

    et je fixe des bornes que je transgresse pour mieux les sentir passer.

  • habitude

    On s'habitue et pure demeure notre,

    notre habitude au temps et à nous-même

    Je marche et à mon pas se modifie

    mon pas.

  • lacs d'ardoise

    Pas d'ardoise, ici, seulement des lacs de plomb,

    d'étain ou de mercure, qu'aucun des vents ne frippe,

    qu'aucun esprit n'anime, qu'aucune main ne prend,

    modestes à survoler, piétinés par la foule,

    pâtinés en hivers comme une armoire noire

    ou bien délaissée là, des années d'entresol,

    grise et renflée de crasse et devenue granit.

    Nous y voilà encore, aux portes du désert,

    mais d'un désert de souffle, de peinture écaillée

    et de dos d'âne lisses, de spéléologie.

    Eve a vendu son âme, mais elle y pense encore,

    Eve voit sans arrêt la lune bosselée,

    et ses lacs et ses pierres,

    son dieu ses perles rares.

  • arbre

    J'irai dans un parc et j'enfouira ma tête dans l'herbe pour en respirer à plein poumons.

    Je resterai là jusqu'à ce que mes cheveux se mêlent aux trèfles et ma bouche ne soit plus qu'une calcification compacte ; là je tâcherai périodiquement de lever les yeux vers la lumière pour ne pas en perdre une miette, je tâcherai de suivre les ombres tournantes sur le sol et l'itinéraire des de la moindre fourmi. Je plierai mon dos dans le sens du vent. Je ne lui offrirai plus la résistance de ma nuque. J'éloignerai de moi leplus possible mes doigts, dont je priverai l'usage de mes articulations de la même calficiation compacte que celle qui s'occupe d'emplir ma bouche de sable. Je saurai que je suis sur la bonne terre, celle où l'ipséité n'a pas d'importance ou alors se trouve véritablement. Je laisserai pousser les pousses les plus communes, les plus citadines, germer dans mes oreilles, ma cornée gêlera telle celle du crocodile ou du caméléon, dont je revêtirai aussi peu à peu l'écorce. Les chênes puiseront de leurs racines et de leurs pores à mes émanations, à mes restes dissous. Je figerai dans ma pupille jusqu'aux rayons du soleil oblique et je perdrai peu à peu le sens de la mouvance des nuages, ainsi que les mots pour les décrire. Mon oesophage se fera une autoroute pour termites et autres rampants, dans une odeur d'humus pétrifié.

    Mais voilà le ciel qui se couvre et me couvre de cendres, de cigarettes trop longtemps fumées, qu'un orage s'annonce nord-ouest.Que je dois retrouver l'amour et la force de mouvoir mes jambes!

  • montreal

    Avec paix et candeur (!) je retrouve cet environnement perdu et de manière inattendue je ne suis pas subjuguée par des souvenirs de toi, non c'est quelque chsoe de bien plus ancestral qui reparait, dont j'éprouve avec délectation la caractère obsolète et heureusement perdu. je suis neuve, et refuse d'emprunter les réseaux anciens, il va donc autrement falloir trouver des moyens inédits de reconnecter avec ce monde qui m'est pourtant familier. Se reposer. C'est la première fois que je prononçait cette chose absurde : j'ai fait deux maitrises à la suite, les deux en philo. C'est débile, dit comme ça.

    Arriver ici c'etait comme retrouver quelqu'un de mort.

  • bois et ponts

    Tous les petits ponts boisés, toutes les rivières mes renvoient à d'autres ponts, ceux de strasbourg et leurs sandwich, ceux de Tubingen, nocturnés (début à la fin) et leurs sandwich. Tous les petits trains me renvoient à de pultiples trains, Allemands, baltimoriens ou philadelphiens. Je me suis débarassée des avions! Rien de tel. Tous les petits bars de bois, l'été, me ramènent à cette taverne de Tubingen.

    Tout cela seule.

    Ce soir, au bout de l'avenue de Carouge à Genève, au petit pont à canards ; j'ai marché pour traverser mes trois villes et j'ai abouti le long de cette grande place en losange, déserte, où jouait un cirque ; qui était un but mais est devenu un simple point de passage pour le plaisir de la transgression, encore quelques kilomètres tout droit, une plaque tournante. Mes muscules tressautent à la pause. Et j'arrive dans la vraie ville, celle de journée et de soir aux avenues larges et aux feuilles bruissantes, aux terrasses clairsemées, aux pressentiments de quotidienneté. traversée comme une artère en un aller-retour, je fais une boucle et m'arrête pour carresser les jeunes feuilles, celles qui bruissent, du plat de la main, du creux de ma main en petite boule, je veux tellement les remercier. Malgré ma stupide fumée de cigarette, des bouffées de fleur fraîches insistent pour m'ébouriffer et me faire lever le menton vers les fenêtres éclairées et tourner sur moi-même. Faire une sieste sur la banc au bout de tout, qui me fait penser à place ville marie à montréal, là où j'avais l'impression qu'avec le pont sortait la ville.

    Une heure a suffit. Tu vois, pas besoin de toute la vie.

  • glace

    Récupération du mois de décembre.

    Son regard, ourlé de givre par le vent, se posa finalement le plus loin possible, sur le pont. Quelques minutes de marche d’approche et sous ce qu’elle prenait pour un nuage de brume énorme se gonfla, effectivement brumant et broyant (de loin), tout un renflement de glace et de neige grise. De quoi vous passer l’envie de mourir, se dit-elle. Le pont enjambait le canal de biais juste à l’endroit où le Saint-Laurent de minuit, dans ce qui semblait être sa plus gigantesque crue, plongeait dans la terre. En s’approchant, bien sûr, on voyait bien qu’il ne faisait qu’un coude, suffisamment droit pour que de loin il semble disparaître, si ce n’était les échos lointains des grondements (ou pour elle dans le silence dramatique qui accompagne, dans notre représentation, la lenteur d’une coulée de lave). Tout un magma de neige et de glace au débit ralenti par la masse. Impossible de saisir un bloc à l’oeil –c'est très pénible, au moment où votre regard a besoin de se fixer pour comprendre/le mouvement!- quand pourtant le courant semble arrêté -c’est le temps ! c’est le temps ! dont l’épaisseur laisse sentir le flux et oublier le cours. Ah, se dit-elle, ne te laisse donc pas aller à formuler des phrases comme ça !- Et ce pont qui de loin semblait traverser n’est en fait qu’une rampe le long du canal : le fleuve, de plus près, est très loin de quoique ce soit qu’on puisse traverser, il en semble plutôt la limite. Elle nota l’extrême convenance de la température avec le paysage, avec l’assoupissement de la ville, l’assourdissement de ses pas.
    Je ne savais plus pourquoi elle était là, je ne me souvenais plus des circonstances, de tout le contexte évènementiel qui l’avait poussée sur ce versant glissant. Ah, tout disparaît effectivement le pas franchi. Elle attendait et s’attendait à tout voir passer sur ce fleuve, un château de glace, un bateau-canard ou le bateau bleu, le bateau-cygne: des plaques de glace d’une taille impressionnante se laissent avaler par le remous et ressortent des kilomètres plus loin indemnes. D’autres sont déchiquetés et partent en volutes de fumée.
    C’est le bon endroit : tout pèse, la neige couvre de sa pression légère mais ferme ce qui d’habitude pourrait s’élever. Les deux pieds bien au bord, oscillant entre une transposition impossible et une simple imprégnation atmosphérique, elle commença à essayer de soupeser des valeurs, de faire des calculs (faute de sentir), d’évaluer, quoi. Mais sans elle (sans ce qui donne la valeur ) c'est difficile -c'est pour pallier à ça quelle est là alors vas-y, calcule- (justement c’est le moment de voir s’il y a une valeur en soi, sans toi). Oui c’est pour ça qu’elle est venue, au fond, en quête d’un lieu où tout pèse de manière manifeste, en quête d’un endroit si propre et terne –étain- qu’il puisse être le reflet -ou la lucarne- d’une expérience intérieure (où les différence se fondent dans un écho parfait, sans tain -le bout de l’asymptote !-…)
    Toute cette glace si matérielle. L’air est immobile et transparent –évidemment- et, comme le vide, ne conduit pas le bruit (il est donc intérieur ??). Ces blocs qui ont passé l’hiver figés et dressés, solidaires et brisures vers le ciel, fouettés par la bise et les particules. Gris-eau, pas forcément sales, non, gris de sale augure et de violence, gris transparent de glace-piège en dessous de laquelle on voit (mais on ne sort pas), grise-opaque de printemps tardif.
    Il y avait foule grincements dans l’air, l’industrie battait son plein juste derrière elle dans la rouille. Elle resserre les liens de sa capuche et de sa tuque, enfonce plus profondément son casque et se concentre sur les paroles de la tune : « everything you can think of is true ». Ainsi elle n’entendrait plus ses pas, plus la glace intérieure ni extérieure, plus que celle de la tune.
    Elle lève la tête –le train… !! Celui de l’usine, là, dont les phares s’allument, dont les wagonnets foncent dans les tracks rouillées au dessus de sa tête, dont le vrombissement n’arrive pas sous les 3 couches de tuque; pourtant elle se met à courir.

  • suite Verrière: chateau du medoc

    J’entre à nouveau dans cette campagne luxuriante et déserte, à l’Est de l’escalier qui descend du muret se trouve le figuier tordu plein d’épines en dessous duquel nous ne pouvions marcher pieds nus quand nous étions enfants, les ronces arrivent presque jusqu’au bas des branches maintenant, et réciproquement, un amas de ronces rampantes en buissons dispersés et piquants, aplatis et mêlés à ce qui fût du gazon réduit maintenant à des touffes de trèfle rêches plantées ça et là dans la terre grise bosselée de taupinières tassées peu accueillantes pour nos pieds (encore : comme elles l’étaient dans l’enfance, où nous plongions nos petons pour faire « les pieds des africains » dans la terre chaude et propre). Tout ce sol, d’un vert gris bleu sale épais et désagréablement mouillé, à la fois chaud et rêche et chargé de gouttes glacée qui vous font picoter les tibias. Je vois (je l’ai déjà vu) ça toujours de ce même coup d’œil (d’intuition) total –je ne me réduis pas à moi-, je descends l’escalier de pierres inégales et branlantes sans charme bouffées de lichen noir, elles ne tiennent pas leur forme d’une douce érosion -le temps n’a pas eu lieu ici, il est juste mort, a juste attendu- elles n’ont probablement jamais atteint la forme humaine de pierres taillées pour des escaliers ou des pieds nus ou chaussés, leur couleur est également inintéressante, de la pure nature plate archaïque inattentionnée. Je me sens légère ou malade comme dans un rêve (je prends le temps, après l’avoir sentie, de penser la description des pierres inhumaines) ou lourde et humaine menaçant de me vautrer à chaque pas (sur ces putains de pierres pas faites pour moi) et de me fouler bêtement une cheville, j’ai le sang qui me bat aux tempes –mais je flotte et appartiens à l’air-, les oiseaux se sont tus, ou j’ai perdu la faculté de les entendre sous l’effet d’une saturation toute intérieure de mes sens extérieurs comme un grondement sourd d’ultrasons, ou peut-être sont-ce ces oiseaux de toute façon si peu naturels qui ont changé de mode et chantent maintenant pour ceux de l’autre côté. Du côté du champ, le monde tremble effectivement tout autour de moi en un champ de force (je me dis que je ne vais pas tenir, que ce n’est pas un endroit pour moi ; et pourtant il m’attend et je peux marcher et respirer) je descends donc le pied léger (mes pieds ne sont plus englués maintenant) j’arrive devant le fameux arbres mais je suis chaussée alors je ne fais que reconnaître l’endroit (et penser sa description), que voir les impressions d’enfances ; comme je le disais plus haut je ne peux pénétrer sous l’arbre alors je le contourne (par la droite) et j’entreprends la traversée du champ qui me sépare de la pyramide qui s’avère en fait être un château du médoc en ruines, champ également grêlé de hautes touffes de hautes herbes tondues « à l’arrache » ou plutôt gyrobroyées qui rendent ma traversée pénible, il fait chaud, il fait moite et j’ai peur des insectes et des allergies bulleuses qu’ils me provoquent, il faut pourtant que j’aille voir là bas ; mais l’herbe est empoisonnée.

  • Le vieux

    Il est assis, le vieux, la tête presque entre les jambes, un orteil au pied gauche, des cheveux noirs frisés collés en mèches au sommet de sa tête autour d’une calvitie pourtant peu avancée si on y regarde bien; il marmonne mais on n’entend pas grand-chose, il n’a pas l’air d’avoir une seconde conscience de l’endroit où il est, de l’aspect qu’il a, de ses chevilles maigres, sales et gonflées et des passants autour. Je m’approche, il pue. Le graillon, la clope et le renfermé (le renfermé du grand air du clodo). Pourtant il m’attendrit, je me demande où il est en train de se promener dans sa tête, si les choses y ont une forme ou s’il n’y a qu’un méli-mélo d’atmosphères perdues. C’est peut-être ça qui pue, quand ça se perd. Je me rend soudain compte qu’il doit être infiniment mal dans son corps, humide, ballonné, plein de démangeaisons mal placées voire de petites bêtes. Il doit vraiment être perdu pour se laisser faire ça. Ou avoir de bonnes raisons (la seule étant pour moi : il sent qu’il est profondément ça, qu’il ne peut en être autrement). Je m’intrigue d’un homme ainsi.

    Je me dis « il est resté bloqué à un moment de sa vie, à un endroit ». Ce doit forcément être ça : des fois, d’ailleurs c’est à ça que je reconnais les vieux (peu importe l’age), les hommes restent bloqués sur un moment, une période remarquable où ils ont eu le sentiment de s’accomplir et d’accomplir leur vie, des fois ils en restent prisonniers, le reste ne vaut plus –ils ne peuvent changer leur échelle de valeur et ne peuvent plus lire les autres expériences, j’en ai vu des comme ça.

    Ou alors de son vivant il a voulu jouer au jeu de la maîtrise de soi et de la mise en scène et, alors qu’il s’est atrophié petit à petit, a régressé au fond de lui-même, il pensait y plonger et s’approfondir (il s’illusionne sur sa maîtrise) ; alors il s’est ratatiné et réduit à une (seule) couche du fond. L’écart entre ce qu’il est devenu et ce qu’il devrait (ou aurait pu) être est maintenant trop grand pour faire une bonne caisse de résonance, ça ne joue plus. Mais ça il ne le sait pas, il entend sa musique –il ne se sent pas seul ainsi-, il n’a pas perçu le moment où le décalage a cessé d’être celui qu’il manifestait, revendiquait, ou même acceptait et percevait.

    On le lui a dit pourtant : tu te nécroses de tout ton profond et de toute ta conscience et, simplifié, tu te caricatures et commences à tiquer, à répéter, à te perdre dans ta très fausse perception de toi-même.

    Mais ça, si j’y pense, c’était avant, maintenant il n’est plus que la peau vide du schéma de l’histoire.

    Je pense alors à l’histoire tristissime de mon ami Vincent qui a voulu donner son sandwich au clochard près de l’aéroport, qui a relevé la tête et a dit mi-tristement mi-ironiquement (mi-inconsciemment) « Zé pas d’dents » en le regardant dans les yeux bien comme il faut. Mon dieu, peut-être que ce vieux là va lever la tête et qu’elle aura pas d’yeux, ou pas de nez ou…

    Mais voyons, il ne faut pas penser tout ça quand on voit de pauvres gens.

  • cumulus

    Il y avait un château caché dans celui-là c’est sûr, comme une louche de glace à l’italienne jetée à la spatule sur un sol déjà de crème, pommelé infini, loin en bas le château (le cumulus) se perd pourtant bien au dessus de moi dans un autre toit pourtant presque tangible, nous sommes immobiles dans l’air gelé stérile et pur. Hors proportions humaines ! Il y a un noyau qui rayonne fort au centre dont on perçoit le pulse comme des éclairs intérieurs. Il trône, royal, comme un pilier d’un autre toit loin au dessus, pommelé lui aussi du blanc le plus pur. D’un diamètre comme trois cités. Irradiant la lumière, la rayonnant ou la captant et la transformant en lumière divine rayonnante mais si contenue, en simple lumière du couchant. Le reste du royaume où sonne l’harmonie des astres, on sait sous quelle autorité il est soumis, mais oups, là on ne devrait pas être, ou juste le contempler du coi de l’œil comme je suis en train de faire, d’un clin d’œil clandestin pour l’éternité qui rachète tout, d’une douceur… je l’ai vue, les fesses callées dans l’allée bloquant le chemin pour hôtesses et stewards. Le nuage parle, il envoie des échos à ses semblables dont j’entrevois la silhouette (car il n’y a qu’elles sous le soleil) comme le Mont Blanc échange des avis avec l’Annapurna. Ils parlent de tout sauf de nous. Ils s’emmerdent peut-être. Moi je voyais tout, par le petit trou (ils ne savaient pas que j’étais mortelle alors faisant taire mon cœur et mon souffle toxique pour la quintessence je suis restée un tout petit peu, car je me garde aussi un peu de surprise pour plus tard) et je les aurais entendu chanter si j’avais déjà eu la bonne nature. L’air cristallin, dense de cette vibration harmonique, bruit nonchalant d’une vie nonchalante parce qu’au dessus de la vie.

    J'ai fait bon voyage!

  • lakeplacid

    Quelque jour de reprise après la fin de semaine merveilleuse de chance et de grâce dans la grande amérique capitaliste aux territoires incroyables et fous. Ôn est encore partis tard dans la nuit pour se réveiller dans la montagne, l'ami Oli avec qui je parle sans arrêt a été parfait, à nouveau immense détente relationnelle et affective, on travaille tous les deux la semaine, la fin de semaine il est hors de question que l'on s'impose quoi que ce soit. Arrivés à 2h du mat'à Lake Placid dans l'etat de Nyc, le douannier a été gentil pour une fois il a même fait une blague, le camping d'hiver a été pour une fois des plus confortables je me suis même payé une nuit de 11h et pleins de rêves intenses de grasse matinée dans mon duvet -40°C!! La grande merveille; il n'y avait pas encore d'odeurs, mais une certaine moiteur prometteuse et une lumière divine, ascention jusqu'au mont glacé et venteux avec toutes ces herbes folles prises dans la glace. Et nous tellement relax, dans la forêt dans la neige, au bord du lac, dans l'auto... Je dois être en train de muter, muter en travailleuse stressée et vide la semaine et détendue parce que vide la fin de semaine. Pas de cerveau, pas de problèmes, juste le coeur. Je souris tellement!
    medium_p4100984.jpg

  • Tout de même du dicible

    medium_p2190698.jpg

    Il y a le bout de la rue où on ne voit rien, je sens que je pourrais voler. Tous mes problèmes de l'amérique du nord se résument à ça.

    medium_p2200712.jpg

    Il y a tout de même des choses qui existent vraiment, des habitants.

  • griffes

    je n'ai pas eu de fesses en main depuis que j'ai des griffes
    fesses de jeunes hommes tout du moins
    et pour les fesses des jeunes filles j'ai coupé mes ongles
    pour les fesses des jeunes filles j'ai coupé mes ongles

  • LE TEXTE (Verrière)

    Je me tiens debout sur un escalier mécanique arrêté, immobile juste au milieu, lui-même au milieu d’une verrière comme celle tubulaire, d’un aéroport, mais qui ne monte vers rien, nulle part, droit au ciel. Elle est plantée inopinément dans le sol comme le corps brisé d’un avion tombé. Elle a quelque chose de moussu, quelque chose de ruinu d’une épave dans un arbre. D’un vaisseau-bulle posé sur une planète mystérieuse, aussi.


    Cet extérieur est la première chose qui m’est donnée et me frappe. Je le perçois d’un coup d’œil dans son ensemble, en une sensation j’ai tout saisi : le désordre d’arbres et de mousse centenaire, l’absence d’actualité, de vie, l’odeur de renfermé qui règne dans cette nature qui n’est plus pour personne. Je vois qu’elle croule, se détériore. Je vois qu’elle a toujours été croulante puisque jamais pour personne. Je me dis comme si Dieu l’avait créé trop tôt et à moitié, la laissant perdue dans les limbes du sens. Mais c’est une pourriture sereine aussi. Tout ce temps finalement n’a pas existé, n’a pas compté. Le temps vient d’apparaître. Ce décor qui hiberne et dégénère en silence m’attendait.


    Comme une bête adhère au réel j’adhère au lieu dans sa totalité en une seule fois. En une seconde (celle qui précède juste mon apparition, ai-je l’impression) je comprends tout. Mais le lieu sans moi : il n’y a pas encore de moi. Son sens universel. C’est moi, mais je ne le suis pas encore, je le sens sans l’être.


    Simultanément (puisqu’il s’agit d’un coup d’œil qui n’occupe pas de temps) moi : je suis là, comme téléportée, apparue adulte, le temps naît en même temps que moi. Je me secoue un peu (je sens bien que de l’extérieur -apparaît ma conscience de l’intérieur/extérieur- je reste de pierre, trop occupée tournée dedans). Spectatrice hébétée devant mes souvenirs qui se constituent en même temps que le temps se déroule pour moi : dans les deux sens. Je sens la vie, je ne fais rien, tout un monde, toute une vie se créent en moi. Je ne peux naturellement pas agir, je ne fais pas encore la distinction. Je nais, et pourtant je suis là pour voir ça. Je n’ai pas d’histoire, j’ai des outils mais pas d’histoire. J’attends. Je regarde dedans ce qui émerge. Le temps sort tout orné comme le contenu d’un boyau.


    Mes souvenirs se constituent petit à petit, ils s’affectent pour que je comprenne. Je deviens une personne et plus seulement une conscience. Il y a une fraction de seconde encore je percevais l’étrangeté du décor pour elle-même, pleinement mais pas pour moi, non, du point de vue de Dieu, du Temps, je ressentais son drame cosmique. Maintenant, j’y suis, j’y nais, oh ! L’universalité de mon regard se perd, s’estompe, m’échappe et s’oublie… Je nais et je perds tout. La vie… Ce que j’ai entrevu, est-ce l’en dehors ? L’essence, si triste dans son éternelle dégénérescence insensée ? D’une tristesse infinie. La vie dans l’absence, dans l’oubli. La Création dans l’absence de vie. Je perds et je raisonne à rebours. Avec la vie le cheminement de la pensée, la perspective. Regarde, je le sais ! C’est avec moi que le temps et la vie sont nés.


    Ma perception nait réversible. La petite peau, fine, collante et douloureuse est aussi sensible du dedans que du dehors. Tout se confond en chaos de perceptions. A rebours c’est encore plus intense, d’autant que le présent ne concède rien. Mais il n’y a pas de lutte : une acuité infinie simplement s’impose. Chaque perception apparaît, se difracte, passe et trace, et moi je suis. Le rôle de chacune est considérable. Le poids du tout ainsi démultiplié me paralyse : je suis toute prise dans l’intensité de l’attention qu’il faut soutenir. Comment vivre un évènement tel que celui de la fondation ? Comment lui rendre ce qui lui revient, c'est-à-dire le vivre justement ? Il se présente comme un tout mais il faut bien le difracter avec du temps sinon on ne voit rien. Car je suis une bête qui adhère à elle-même, et c’est la manière juste de traverser honnêtement sa propre fondation. Toute vivante.


    Seulement… c’est trop tard, je suis née quelques centièmes trop tard, j’ai vu, même si j’oublie, quelque chose me chiffonne. Je sais que ce qui n’avait pas de sens (ou de sens pour personne) prend sens maintenant. Je sais que ne suis pas là pour rien mais pour donner le sens. Ne pas être là pour rien, autrement dit, pour soi ! J’oscille maintenant entre ma propre grandeur (si j’accepte l’oubli) et ma conscience atroce de la partie qui se joue avec moi.


    C’est injuste. Avec l’apparition du sens apparaît la directionalité, la partialité, la selectivité, la tension, la perspective, le point de vue. Et la en même temps qu’on me donne de m’émerveiller devant moi, en même temps qu’on me donne tout avec l’existence, m’est donnée la supraconscience terrible : ce n’est que le contexte du drame qui s’échafaude. C’est l’action, c’est elle qui me prépare. Je n’aurai droit qu’à une section de souvenirs, qu’à une portion de vie et de sens, celle réclamée par les heures qui vont suivre. Pourtant je ne sais rien d’une partie, je suis le noyau unique et universel. Pourtant la vie toujours partielle.


    Toujours immobile je me sens mal, j’ai le pressentiment de l’anormalité de la situation, je l’éprouve avec l’intensité d’un coup de fouet dans le noir, et parce que ma vie s’étoffe tellement vite je pressens aussi que cette vitesse est dans le but de me faire oublier instantanément leur origine (ma nature) contre-nature. Et je suis là, paralysée sur cet escalier immobile, paralysée devant la simultanéité de mes perceptions et de ma propre constitution. Les premières devancent légèrement la seconde.

  • God in Montreal

    medium_p3120817.jpg

  • ficelles

    Il y a un genre d'éclatement d'effondrement c'est comme si...

    tu sais, moi je me tiens dans l'espace et le temps grâce à des ficelles qui disparaissent là haut, me tiennent depuis toujours alors je les oublie, ou je les aime comme une partie de moi, tendues, rêches, organiques et sédimentées, ce sont d'aigres et secs boyaux ancrés au fond de mes plis, solides, durs, et polis comme des ongles.
    Alors quand ça casse avec un bruit de coup de feu je ne comprends rien, ultra tendu le nerf flotte déjà en l'air, il n'y a qu'une balafre, un reste de douleur, un echo. Il y a quelqu'un qui descend d'un niveau, d'une secousse, qui perd un de ses fils. Et si je tente avec une hébétude de singe de joindre les deux bouts, je tire je tire et, me questionnant sur un morceau manquant, je doute qu'ils aient été un jour unis.

    Alors moi tu sais je vis comme ça depuis la nuit des temps, au dessus du néant suspendue par le dos (et non plus par des hameçons dans le ventre) par un très petit nombre de ficelles velues et cornues. Elle doivent résister au temps comme aux intempéries, à toutes les épreuves.

    Mais rien n'est à toute épreuve!

  • Quebec-oli

    Week-end à Québec infiniment détendu flottant et magique, mais pas magique mystique, magique réel, promenée par l’ami Oli depuis son appart perché dans cette rue étrange au bout du quartier (on dirait le bout tout court pourtant c’est bohème parait-il), coloré avec vue sur la basse ville et ses lumières la nuit, et toutes les collines enneigées au fond le jour, chaleureux et plein de livres à l'ombre desquels j'ai dormi sur le divan de velours tout mou face au soleil couchant. J'ai si peu dormi tellement je voulais savoir ce qu'il y avait dans tous les livres ! Ou tellement j'étais jalouse de lire dans la couverture de chacun d'eux "Olivier, lu au printemps 2002" ou autre, bref il avait tout lu. Je me suis endormie à 4h, presque angoissée tellement il me tardait.
    J'ai encore pris l'autobus américain qui va loin et part la nuit, douillet, moi j'y suis toujours comme en transe poétique et tout défile dehors et en dedans de moi super vite mais très détaillé comme au ralenti, je ne m'explique rien mais je vois les choses du dedans, et le bus, donc, s'éloigne de ma belle ville d'adoption et de ses gratte-ciels qui ne grattent pas haut et qui me font éprouver de la tendresse encore plus, je suis posée immobile toute molle très lourde sur mon siège, hypnotisée par le dehors, la perspective, les lumières, les ponts, le fait de rouler (le temps file), de partir et de réaliser que j'habite ici, alors en même temps toute tournée vers le dedans (où le temps…), ce que ça fait d'habiter ici, ce qu'il se passe, c'est quoi ma vie merveilleuse (merveilleuse pourquoi ?? d’où ?? Je travaille et…pourtant !), tout se déploie se déplie et c'est génial, tout devient accessible en même temps alors que je n'ai jamais le temps, la vie de faire autre chose que la vivre mais j'ai toujours le pressentiment que je l'aimerais ma vie si j’avais du temps de rétrospection, et ce pressentiment me suffit et c’est ça, c’est le pressentiment que c’est ça le bonheur. Besoin de rien de plus qu’un sentiment qui traverse le fond. Et là tout LE sens et celui de toutes les petites choses tourne autour de moi en dedans et pourtant il s’agit de moi et pas des choses, je vois pleins de couleurs intenses, c'est comme un grand tapis la vie, et il s’agit toujours de moi mais je m’y oublie pourtant les yeux écarquillés. Je suis un peu étourdie, le temps…boaf…

    Nous on a une montagne au milieu de la ville au moins (je repense aux gratte-ciel de 40 étages pourtant très fiers), et plusieurs îles autour, c'est joli de prendre tous les ponts dans la nuit, et vers le nord je ne l'avais encore jamais fait, toute une perspective nouvelle par la grande vitre. Je me dis : le même stupide sentiment de liberté que quand je vais à Langon en train, ridiculement pas loin mais pourtant c'est comme un voyage. Québec, c'est le bled, mais pourtant y partir de nuit sans l’avoir prévu ni savoir trop ce qu'on va y faire, c'est comme le Pérou. En plus dans l'enclave bizarroïde qu'est devenu un week-end pour qui travaille à plein temps et vient de sortir du bureau, c'est une vrai faille temporelle.

    Oli m'accueille comme une reine c'est à dire comme chez moi, parce qu'il n'y a pas d’enjeu ni de pression à notre rencontre, il est aussi détendu que moi, on parle non-stop très calmement et doucement au rythme de la marche pendant 2 jours. On petit déjeune tard dans le salon ensoleillé (les bibliothèques ne font de l'ombre que la nuit) et on cuisine des lasagnes (surtout lui, moi je bois le vin). Le dimanche je me laisse conduire à l'érablière manger saucisses et crêpes au sirop, "all you can eat" they say, et ensuite on marche toute la journée sans horaire dans le bois, le long du fleuve, sur la glace, il faisait doux, on était libre d'aller où on voulait avec l'auto. Je vous écris aussi pour dire que je vais hyper bien, et redire que je jure fidélité à l'université, la pensée, la poésie et l'amour (l'ordre est évidemment modulable).

    medium_p3060759.jpg

  • l'oreille cassée

    Je vois ce que ça fait, l'hiver. On ne se rend pas compte, la couleur disparait petit à petit et surtout ne revient pas. Ou plutôt elle fait croire qu'elle est là, car c'est tellement un fade away qu'on ne s'en rend pas compte... Seulement parfois: "c'est hallucinant comme cette ville est grise, tout est couvert d'une fine poussière blanche, granite, calcaire, neige, givre... Tout est pâli. Pâle sale." Et demain, je ressors dans l'air frais, et je suis à nouveau toute contente, mais contente par illusion, parce que mon échelle de couleurs a changé faibli pâli elle-même et j'en vois, des couleurs.

    V. me dit qu'après la soirée VIP gala jet set squatée et consommée par nous ronds comme de queues de pelles, il s'est réveillé le lendemain dans un appart inconnu, allongé dans un lit pas défait. Ce ne doit pas être avec moi qu'il a pris la dernière bière. Mais moi, je me souviens déjà si peu de mon dernier verre. Du bol de la toilette à la rigueur (pas vraiment non plus). J'avais même laissé la porte d'entrée battre à tous vents.

    Mamie et maman m'appellent au bureau..."réception bonjour" ...dzzz...ça sent l'international..."c'est mamie" "pardon?" "c'est mamie", hyper drôle. Le directeur général est dans ma poche, il m'appelle tout le temps pour me dire que je n'aurai pas de vancances... ils ont donc une conscience! Dommage qu'ils ne la soulagent pas. Je veux pouvoir aller faire de l'escalade en Virginie. Je ne sais pas pourquoi tout d'un coup je parle de faits, personne n'a cette adresse. C'est que je ne peux plus penser. Mon mal d'amour ne guérit pas, guérit pas, guérit pas... et musique à l'oreille s'est cassée. Je ne peux plus prendre l'autobus pour un nuage...mon mal d'amour ne guérit pas. Qu'est ce que je vais faire.

    Je sens mon poids sur le coeur, immense. Mais je le sens moins que la semaine dernière. Tout ça est devenu très réel et s'est transformé en simple désir constant de saisir le téléphone.

    Crim'! Je sens mon poids sur le coeur, immense!

  • Le vendeur d'eau.

    medium_levendeurdeau.jpg


    Ils ne se regardent pas dans les yeux, aucun. Ils n'ont rien à voir, aucun. Tout passe par le verre.

    Qu'est-ce qui passe par le verre?

    D'où vient l'eau qui est sur la jarre? Elle ne peut pas s'être coulée dessus elle même à cet endroit, ni s'en être versé dessus. Si, si elle est trop pleine. Donc, on a une jarre trop pleine pour aller avec le verre très plein.


    Le verre est de luxe, comme le petit garçon, propre.
    Les poignets de la chemise du vendeur sont noircis, son visage tout usé (mais pourquoi ses jarres sont-elles si belles et ventrues? Même la cabossée, on dirait qu'elle l'est de loin, mais de prêt elle est belle ou modelée, pas cabossée).
    Le petit garçon regarde la manche du manteau déchirée, il se mord la lèvre. Le vendeur est gêné il détourne le regard.
    Ou il est aveugle, c'est pour ça qu'il a renversé l'eau, c'est pour ça qu'il regarde droit devant lui.

    Comment tiennent-ils donc ce verre si droit?

    Mais le verre n'a plus d'importance, en fait, rien ne passe par le verre! Il a l'air d'être en position centrale mais ce n'est pas lui. Personne ne le regarde.Tout se croise sur la manche déchirée. Devant elle le verre devient une injure il est trop brillant, propre et plein. En fait il ne l'est pas encore, injure, pour l'instant personne n'y fait attention, tout est dans la manche. Mais dans une minute, quand le petit garçon va remercier et payer, il va avoir honte de son verre. En même temps, il est un enfant, il ne retient pas son regard. Les enfants regardent directement les détails qui les intriguent, ne regardent pas les gens. Il ne se rend pas compte. Mais comment donc l'homme mature regarde-t-il dans le vide? Comment le buriné n'affronte-t-il pas le regard de l'enfant??!?

    Tout passe par le verre: le fait que personne ne le regarde n'est que trop étrange. Ils le tiennent, nettement, fermement, comme une lutte. Aucun ne le lâche. Il s'agit du don. Le vendeur d'eau, le pauvre, le vieux, le sage, DONNE de l'eau, de l'or, donne ce verre trop beau alors qu'il n'a rien, mais ça, ça déborde de sa cruche ventrue. Le pauvre a une cruche ventrue qui déborde. Mais...pourquoi ne sourit-il pas, en ce cas?? peut-être qu'il est juste tanné d'avoir un manteau déchiré.

    MAIS QUE FOUT L'AUTRE DANS LE FOND??

    C'est drôle, il boit, mais dans une choppe à bière. Mais en verre. Il regarde un peu au dessus à gauche.
    Il rappelle que ce dont il s'agit dans tout ça, c'est de boire de l'eau.
    Mais non, c'est justement tout l'inverse, ce qu'il se passe!!
    Il est celui qui a raison, il y a le vendeur d'eau, on achète de l'eau que l'on boit. C'est très simple. Il est dans l'ombre, il représente l'indéfini, la normalité, "je bois de l'eau". Mais pourquoi donc a-t-il l'air triste? C'est que le normal, le pauvre, il ne se rend compte de rien de la fraction de seconde qui couvre l'échange des regards; il boit de l'eau. Il n'a rien compris à la situation. A faire le truc vital, normal, à faire ce dont il s'agit, ce dont il devrait s'agir, il est tout seul. Car il ne s'agit jamais de ça. Il se passe tout un monde dans l'évènement-prétexte, un monde qui n'a rien à voir avec, pauvre lui qui y est extérieur, un "je bois de l'eau".
    Les deux autres, ceux qui sont dans le monde et qui ouvrent la situation, ils sont très caractérisés.
    Bref.

    Johnny vient de me dire: les visage font un mouvement circulaire, qui va de l'enfance à la vieillesse, le temps de vider sa choppe et le tour est passé. Tout se rejoint!
    Johnny vient de me dire: on dirait un forçat, un maudit, un condamné à servir (et même renverser) de l'eau de jarres ventrues sans pouvoir jamais boire, alors qu'il a un manteau de saint-françois au désert assoifé, il n'a plus d'yeux, le maudit.
    Pour celà M. a raison: on dirait qu'il surplombe la scène, du surplomb de celui qui sait qu'il est soumis à la nécessité, celui du forçat, du damné, fort tout de même, celui que les épreuves ont patiné et non usé. Il l'a déjà vécu, cette scène, ce regard humain 1000 fois. Il y est aveugle comme Zeus est aveugle aux accidents.

  • silos

    comment va Chloé au Maroc?

    Il s'agit principalement de rester éveillée. C'est apparu une fois, entre les deux mers près de chez-moi (à l'Abbaye de la Sauve-Majeure pour être exacte --nom bizarrement révélateur et obscur), qu'il faut user de volonté pour ne pas s'endormir dans la passivité d'un "je vais traverser (passif) anyways cette periode difficile". Comme on traverse un nuage en avion, dans une sorte d'indifférence inerte/inertie. Bref ceci expliquant celà étant expliqué par la réminiscence platonicienne, il faut s'efforcer de retrouver ses sensations de quand on était vivant pour être à nouveau vivant. Sinon ça peut trainer.

    Hier soir j'ai donc fait une promenade dans la glace déserte du bord du fleuve autour des sillos désaffectés. C'était fou, je m'étais ménagé de la musique droit dans ma tête enfouie sous trois bonnets sourds et, la vision rétrécie par l'ouverture du masque de froid capuche et col, j'ai été voir les sillos de 200 pieds de haut, des pieds desquels ils semblent fichtrement hauts. Ils sont tellement creux et percés qu'on y fait de la musique. D'ailleurs transformés par la mairie -ou du moins les gens- en un orgue immense, on peut peser sur les boutons pour le faire chanter. Vu le froid je ne l'ai pas fait -je n'étais pas sur le bon chemin- j'ai seulement suivi la track de chemin de fer rouillée jusque dans la gargantuesque ruine métallique. Un vrai paysage de Far West gelé dans un port industriel de Norvège. Bizarrement éclairé à bloc un dimanche soir sans personne. Sur ce j'ai dansé un peu, pis je suis vite partie (pas en hurlant) dès que j'ai réalisé que si je tombais dans le Saint Laurent (ce qui n'avait aucune raison d'arriver) jamais personne ne m'entendrait crier pendant les 2 minutes de mon débat. Or se débattre seule dans cet endroit eût été une fin atroce et, telle que je me sentais dans ce moment, démeusurément heureuse, absolument imméritée.

    Tout ça pour me retrouver finalement avec 1/2 heure d'avance au Divan Orange au milieu d'une gang d'altermondialistes (forum-social-mondialiste serait plus juste) cools open et enturbannés, moi en plein choc des cultures car lisant en attendant les amis le viol d'une pauvre fille dans une grange par les fous primitifs et scabreux d'un roman de Faulkner, où le monde est réduit à une atroce ferme close au milieu du désert pleine de primates malveillants qui tournent en rond: inverse absolu de l'ouverture Uqamienne multiculturasocialo-internationale. Open, quoi. Etrange, le champ brûlé où fuyait la pauvre fille semblait presque plus vrai que le joyeux bar où je me trouvais... C'est pour ça qu'on lutte, diront-ils. Dans ce cas: pourquoi Faulkner écrit-il?

  • london shock

    Alors je suis toute seule dans Londres, ça n'a aucun rapport avec rien, le fait d'être là, je suis encore à priori dans un transfert habituel bien que de plus en plus difficile (un paradigm shift) entre mes deux vies (la française et l'américaine), et tout d'un coup, perdue dans mes pensées dans le métro occupée à trimballer mon sac, je sors de la bouche pour tomber nez à nez avec un autobus rouge à deux étages tout clinguant. Aucun rapport. Alors ça me prend un changement de mode, oki, je suis en voyage/visite/vacances/excitation pour l'inconnu et le ciel nouveau. Bon. Je souris aux gens dans l'auberge de jeunesse, je les rencontre un peu, "tu viens d'où?" "tu viens d'où"? Horreur ce sont tous des français qui jouent au "trou du cul" après le souper et me demandent en français d'où je viens, ou plutôt ne demandent même pas et jouent au trou du cul. Moi je lis Conrad, je marche des heures, le soir, le lendemain matin, toute seule, un peu trop seule, je n'en avais pas envie. Je veux marcher à l'infini, je veux marcher Londres, je veux marcher tout le plan de la ville (du bus) que j'ai, mais je n'en ai pas le souffle, le souffle magique de San Francisco. Ce doit être parce qu'il n'y a pas de nuages pour me montrer la perspective, pour me montrer la profondeur et l'espace et me donner l'élan. Je bouffe du pain, tout est cher, je marche dans Bond Street, c'est la rue de Prada, quelle bourge cette mrs Dalloway. Je suis un peu déçue. Le meilleur moment reste celui où j'ai rencontré les autocars rouge par surprise et où j'ai réalisé ce qu'il se passait. La suite...c'est juste une histoire de pattern.
    J'ai quand même bien aimé revoir l'architecture familière pour moi d'une autre époque...

  • moton

    Tout bruit (n’importe quel bruit) est assourdi, la ville est toute immobile, mais gaie, d’une immobilité pressée d’en profiter. Profiter du chaos à venir qu’atteste la pleine lumière du matin sur le lisse du paysage nivelé en UN GROS MOTON DE NEIGE! Tout est flottement de glissements épais, et on fête ce don du ciel avec l’hébétude qui convient (on ne va pas au travail). C’est bien d’un don du ciel qu’il s’agit d’ailleurs quand on parle du temps. Et Il nous en fait aujourd’hui un magique, un cadeau magique digne d'un Noël de gosse... le monde des bisounours!
    Me voici, donc, toute seule, en congé, à sentir un élan mais toute seule pour le sentir, toute seule du vide de mon ex-amour-magic jumeau de moments. Mais je flotte, c’est too late pour me laisser dedans, je suis déjà ex-là dehors.
    Et là, c’est un peu fou! Il y a des voitures délaissées partout, prises par la neige comme par les glaces, il y a aussi un bus en travers du coin coincé, mais tout ça sans bruit/sans but/sans pression, mollesse et lenteur. Délaissées, échouées, déposées là.. La gestion la question) du jour est remise à un autre. Ce pourrait être King Kong : les gens ont fuis et ont tout laissé là. Les trottoirs (les limites) ont disparus, les piétons voguent dans la rue comme dans un champ, sans voie, sans trajectoire, bien au dessus de tout ce qui marque. Plus de règles! Mais il s'agit bien d'un autre ordre, rien de chaotique, ah! La nature humaine n'est donc pas si mauvaise (mais j'imagine le truc à Paris...)! Il y a toujours les autos qui tracent et creusent, les quelques qui essaient, mais l’air comme la matière, bien qu’ils soient crystal et vide, étouffent le bruit et même l'idée. C’est une victoire pour eux éclatante d’autant plus qu’elle est irrationnelle, absurde. Du reste, qu’une vague fosse rectiligne et floue.
    Pis la nuit tombe, après le travail (personne n’y est allé). Le ciel reste blanc et on voit comme en plein jour, mais pas une lumière de jour, et pas une lumière blafarde de minuit-Malaparte non plus parce qu'il y a aussi les réverbères,non, une lumière de compte de fée, orange-blanche, sans heure, sans raison, qui vient de nulle part, qui baigne, c'est tout, et il fait tiède, il neige très peu, et on nage plus qu'on marche...toujours sans bruit...et la grosse Amérique ne dit plus rien. Et tout le monde (on n’est pas allé au travail) a un sourire immense sur la face.