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atmosphérique

  • glace

    Récupération du mois de décembre.

    Son regard, ourlé de givre par le vent, se posa finalement le plus loin possible, sur le pont. Quelques minutes de marche d’approche et sous ce qu’elle prenait pour un nuage de brume énorme se gonfla, effectivement brumant et broyant (de loin), tout un renflement de glace et de neige grise. De quoi vous passer l’envie de mourir, se dit-elle. Le pont enjambait le canal de biais juste à l’endroit où le Saint-Laurent de minuit, dans ce qui semblait être sa plus gigantesque crue, plongeait dans la terre. En s’approchant, bien sûr, on voyait bien qu’il ne faisait qu’un coude, suffisamment droit pour que de loin il semble disparaître, si ce n’était les échos lointains des grondements (ou pour elle dans le silence dramatique qui accompagne, dans notre représentation, la lenteur d’une coulée de lave). Tout un magma de neige et de glace au débit ralenti par la masse. Impossible de saisir un bloc à l’oeil –c'est très pénible, au moment où votre regard a besoin de se fixer pour comprendre/le mouvement!- quand pourtant le courant semble arrêté -c’est le temps ! c’est le temps ! dont l’épaisseur laisse sentir le flux et oublier le cours. Ah, se dit-elle, ne te laisse donc pas aller à formuler des phrases comme ça !- Et ce pont qui de loin semblait traverser n’est en fait qu’une rampe le long du canal : le fleuve, de plus près, est très loin de quoique ce soit qu’on puisse traverser, il en semble plutôt la limite. Elle nota l’extrême convenance de la température avec le paysage, avec l’assoupissement de la ville, l’assourdissement de ses pas.
    Je ne savais plus pourquoi elle était là, je ne me souvenais plus des circonstances, de tout le contexte évènementiel qui l’avait poussée sur ce versant glissant. Ah, tout disparaît effectivement le pas franchi. Elle attendait et s’attendait à tout voir passer sur ce fleuve, un château de glace, un bateau-canard ou le bateau bleu, le bateau-cygne: des plaques de glace d’une taille impressionnante se laissent avaler par le remous et ressortent des kilomètres plus loin indemnes. D’autres sont déchiquetés et partent en volutes de fumée.
    C’est le bon endroit : tout pèse, la neige couvre de sa pression légère mais ferme ce qui d’habitude pourrait s’élever. Les deux pieds bien au bord, oscillant entre une transposition impossible et une simple imprégnation atmosphérique, elle commença à essayer de soupeser des valeurs, de faire des calculs (faute de sentir), d’évaluer, quoi. Mais sans elle (sans ce qui donne la valeur ) c'est difficile -c'est pour pallier à ça quelle est là alors vas-y, calcule- (justement c’est le moment de voir s’il y a une valeur en soi, sans toi). Oui c’est pour ça qu’elle est venue, au fond, en quête d’un lieu où tout pèse de manière manifeste, en quête d’un endroit si propre et terne –étain- qu’il puisse être le reflet -ou la lucarne- d’une expérience intérieure (où les différence se fondent dans un écho parfait, sans tain -le bout de l’asymptote !-…)
    Toute cette glace si matérielle. L’air est immobile et transparent –évidemment- et, comme le vide, ne conduit pas le bruit (il est donc intérieur ??). Ces blocs qui ont passé l’hiver figés et dressés, solidaires et brisures vers le ciel, fouettés par la bise et les particules. Gris-eau, pas forcément sales, non, gris de sale augure et de violence, gris transparent de glace-piège en dessous de laquelle on voit (mais on ne sort pas), grise-opaque de printemps tardif.
    Il y avait foule grincements dans l’air, l’industrie battait son plein juste derrière elle dans la rouille. Elle resserre les liens de sa capuche et de sa tuque, enfonce plus profondément son casque et se concentre sur les paroles de la tune : « everything you can think of is true ». Ainsi elle n’entendrait plus ses pas, plus la glace intérieure ni extérieure, plus que celle de la tune.
    Elle lève la tête –le train… !! Celui de l’usine, là, dont les phares s’allument, dont les wagonnets foncent dans les tracks rouillées au dessus de sa tête, dont le vrombissement n’arrive pas sous les 3 couches de tuque; pourtant elle se met à courir.

  • vincennes

    Finally un peu de retour de magie ce soir, déjà ce matin propice mais ça aurait pu basculer, une bonne promenade au crépuscule sous de radioactifs nuages vous remet les pendules à l'heure. Longue route sinueuse dans (qui a l'air hors de) paris au milieu d'arbustes morts, un peu désolés mais vaste et presque silencieux, au loin les réverbères et plus de sens de l'orientation (les hommes sont censés en avoir pourtant?!?). Pas de canards, pas de biches ni de poules, pas de relief, presque pas d'eau, un vague lac peu profond qui a dû geler (je racontais justement à Buytendjik l'anecdote des poissons du Lac des Castors qu'ils avaient oublié de sortir l'hiver et qui sont remontés au printemps ventre à l'air -comme les chevaux de Malaparte- devant les enfants. Dégueu.) parce qu'il restait une pancarte "ne pas marcher sur la glace". A part ça acalmie du côté du moral, sans que l'horizon ce soit ouvert je suis moins rabougrie. Il faut arrêter de fumer dehors pour retrouver les odeurs. D. me dit "happy New York" alors que c'était samedi dernier, quand elle ne voulait pas me parler et peut-être me larguer, que ça faisait un an qu'on était sur les marches du MET. Au retour de vincennes je me parlais toute seule machinalement "c'est comme si on était à new york ensemble sauf que je suis à paris sans toi, c'est la même température sauf qu'il fait 15 degrès de plus, c'est le même bruit ou la même odeur sauf que non pas du tout mais c'est pareil" en marchant rue des Pyrennées. C'est que j'ai dû, un petit moment, me sentir libérée des pressions diverses intériorisée dans Paris. Merci la balade, de l'air, de l'air! il ne reste qu'à lire tarjei vesaas, trouvé inopinément à la bibliothèque municipale du coin. Je n'écris plus mes rêves.