J’entre à nouveau dans cette campagne luxuriante et déserte, à l’Est de l’escalier qui descend du muret se trouve le figuier tordu plein d’épines en dessous duquel nous ne pouvions marcher pieds nus quand nous étions enfants, les ronces arrivent presque jusqu’au bas des branches maintenant, et réciproquement, un amas de ronces rampantes en buissons dispersés et piquants, aplatis et mêlés à ce qui fût du gazon réduit maintenant à des touffes de trèfle rêches plantées ça et là dans la terre grise bosselée de taupinières tassées peu accueillantes pour nos pieds (encore : comme elles l’étaient dans l’enfance, où nous plongions nos petons pour faire « les pieds des africains » dans la terre chaude et propre). Tout ce sol, d’un vert gris bleu sale épais et désagréablement mouillé, à la fois chaud et rêche et chargé de gouttes glacée qui vous font picoter les tibias. Je vois (je l’ai déjà vu) ça toujours de ce même coup d’œil (d’intuition) total –je ne me réduis pas à moi-, je descends l’escalier de pierres inégales et branlantes sans charme bouffées de lichen noir, elles ne tiennent pas leur forme d’une douce érosion -le temps n’a pas eu lieu ici, il est juste mort, a juste attendu- elles n’ont probablement jamais atteint la forme humaine de pierres taillées pour des escaliers ou des pieds nus ou chaussés, leur couleur est également inintéressante, de la pure nature plate archaïque inattentionnée. Je me sens légère ou malade comme dans un rêve (je prends le temps, après l’avoir sentie, de penser la description des pierres inhumaines) ou lourde et humaine menaçant de me vautrer à chaque pas (sur ces putains de pierres pas faites pour moi) et de me fouler bêtement une cheville, j’ai le sang qui me bat aux tempes –mais je flotte et appartiens à l’air-, les oiseaux se sont tus, ou j’ai perdu la faculté de les entendre sous l’effet d’une saturation toute intérieure de mes sens extérieurs comme un grondement sourd d’ultrasons, ou peut-être sont-ce ces oiseaux de toute façon si peu naturels qui ont changé de mode et chantent maintenant pour ceux de l’autre côté. Du côté du champ, le monde tremble effectivement tout autour de moi en un champ de force (je me dis que je ne vais pas tenir, que ce n’est pas un endroit pour moi ; et pourtant il m’attend et je peux marcher et respirer) je descends donc le pied léger (mes pieds ne sont plus englués maintenant) j’arrive devant le fameux arbres mais je suis chaussée alors je ne fais que reconnaître l’endroit (et penser sa description), que voir les impressions d’enfances ; comme je le disais plus haut je ne peux pénétrer sous l’arbre alors je le contourne (par la droite) et j’entreprends la traversée du champ qui me sépare de la pyramide qui s’avère en fait être un château du médoc en ruines, champ également grêlé de hautes touffes de hautes herbes tondues « à l’arrache » ou plutôt gyrobroyées qui rendent ma traversée pénible, il fait chaud, il fait moite et j’ai peur des insectes et des allergies bulleuses qu’ils me provoquent, il faut pourtant que j’aille voir là bas ; mais l’herbe est empoisonnée.