comment va Chloé au Maroc?
Il s'agit principalement de rester éveillée. C'est apparu une fois, entre les deux mers près de chez-moi (à l'Abbaye de la Sauve-Majeure pour être exacte --nom bizarrement révélateur et obscur), qu'il faut user de volonté pour ne pas s'endormir dans la passivité d'un "je vais traverser (passif) anyways cette periode difficile". Comme on traverse un nuage en avion, dans une sorte d'indifférence inerte/inertie. Bref ceci expliquant celà étant expliqué par la réminiscence platonicienne, il faut s'efforcer de retrouver ses sensations de quand on était vivant pour être à nouveau vivant. Sinon ça peut trainer.
Hier soir j'ai donc fait une promenade dans la glace déserte du bord du fleuve autour des sillos désaffectés. C'était fou, je m'étais ménagé de la musique droit dans ma tête enfouie sous trois bonnets sourds et, la vision rétrécie par l'ouverture du masque de froid capuche et col, j'ai été voir les sillos de 200 pieds de haut, des pieds desquels ils semblent fichtrement hauts. Ils sont tellement creux et percés qu'on y fait de la musique. D'ailleurs transformés par la mairie -ou du moins les gens- en un orgue immense, on peut peser sur les boutons pour le faire chanter. Vu le froid je ne l'ai pas fait -je n'étais pas sur le bon chemin- j'ai seulement suivi la track de chemin de fer rouillée jusque dans la gargantuesque ruine métallique. Un vrai paysage de Far West gelé dans un port industriel de Norvège. Bizarrement éclairé à bloc un dimanche soir sans personne. Sur ce j'ai dansé un peu, pis je suis vite partie (pas en hurlant) dès que j'ai réalisé que si je tombais dans le Saint Laurent (ce qui n'avait aucune raison d'arriver) jamais personne ne m'entendrait crier pendant les 2 minutes de mon débat. Or se débattre seule dans cet endroit eût été une fin atroce et, telle que je me sentais dans ce moment, démeusurément heureuse, absolument imméritée.
Tout ça pour me retrouver finalement avec 1/2 heure d'avance au Divan Orange au milieu d'une gang d'altermondialistes (forum-social-mondialiste serait plus juste) cools open et enturbannés, moi en plein choc des cultures car lisant en attendant les amis le viol d'une pauvre fille dans une grange par les fous primitifs et scabreux d'un roman de Faulkner, où le monde est réduit à une atroce ferme close au milieu du désert pleine de primates malveillants qui tournent en rond: inverse absolu de l'ouverture Uqamienne multiculturasocialo-internationale. Open, quoi. Etrange, le champ brûlé où fuyait la pauvre fille semblait presque plus vrai que le joyeux bar où je me trouvais... C'est pour ça qu'on lutte, diront-ils. Dans ce cas: pourquoi Faulkner écrit-il?