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C'est inutile! - Page 2

  • rumba

    Je la vois assise à l'une des tables rondes, un peu mélangées après la fin de la pièce montée. Il y a des chaises vides et des petits groupes, des jeunes debout autour des vieux assis. Les cols sont relâchés, les voix confiantes, les portes qui donnent dans le parc grand ouvertes. Il y a des petits groupes, du brouhaha, de la circulation. Je suis probablement sur la piste de danse, occupée à optimiser mon bonheur comme d’habitude. Elle entre dans la salle, ou elle est dans la salle et je la vois. Elle est en blanc, avec une robe bustier. Elle parle avec des gens (assise) en me regardant du coin de l’oeil, ou alors elle me fixe debout à travers la foule. Je ne sais, ça dépend de la réalité de sa présence (si elle est là naturellement c’est qu’elle est là, si elle est venue pour l’évènement ontologique c’est que je l’invente).

    Je la vois et sais que c’est la fin : elle est le symbole, elle est le moment, le signe. Je me fige, c'est la fin de mon sursis, et même si c'était prévisible, à l’échelle d’une vie on ne sait quand ça va arriver, ça a l’air l’infini. Je sais alors (mais je le savais au fond) qu’avec tous c’est la dernière fois, moi incapable trop incapable depuis toujours de faire un choix, incapable de tout faire cesser à cause de la vie merveilleuse et tragique (argument de poids), il fallait pourtant que tout cesse, ne serais-ce que par pudeur. Alors l’orchestre joue une rumba. Alors avec chacun d’eux je danse une danse tragique, je danse la dernière en oubliant en un instant la précédente et le précédent. A l’image de tout, du reste. Est-elle entrée ou était-elle déjà là ?

    Ca ne fait plus de différence, le vécu est vécu. Je parcours la salle du regard, et je vois que tous ils étaient là pour voir ma chute, mon choix, mon désaveu, ma négation de la nature, mon parjure.

    Alors je regarderai par la fenêtre et tout me semblera coloré, intense merveilleux. Je penserai à mon père, je penserai à mon destin, à mon histoire, à ma victoire, j’aurai foi dans la race humaine et dans l’amour. J’aurai un sentiment d’absurdité qui rachète tout. J’aurai l’impression d’avoir tout vécu. J’aurai l’impression que ça ne va jamais terminer.

  • pleins

    Bizarre: il y a des pleins et des vides immotivés. Des pleins de souffle, des vides de vide, des élans soudains et retombées, SANS RAISONS. Je m'en rend compte après coup. C'est idiot, je suis un humain, je me lève tous les matins avec la même inocence (les désabus de la veille ne me sont d'aucun secours). Je suis un humain.

    Je disais encore à D. de les provoquer, les pleins (ou étais-ce de les entretenir?).
    Mais She said my ass hurts when I sit down
    She said my feet hurt when I'm standing around
    I think my body is as restless as my mind
    I don't think I could roll with it this time.

    La clef de tout est le temps qu'il fait, dis-je. C'est pour celà qu'elle "act like I'm helpless", c'est que pour ça, elle est helpless.

  • 2597010

    NY se rapproche j'en tremble mais j'ai aussi très peur de ne pas pouvoir compter sur moi-même, de me dégonfler ou de devenir comme un glaçon.

    Très drôle séquence où j'étais au téléphone avec D. depuis des heures au milieu du cendrier et bouteille, lorsque frappe à la porte l'inconnu aux belles mains qui ne vont pas avec sa mignone face aux cheveux doux. Elle m'a dit "pull yourself together" en français.

    Finalement il était tellement mignon et tellement jeune, D., G., M. et V. pourraient se moquer de moi.

  • larmes et grâce

    Plusieurs minuscules choses: mon date avec la reine Maude n'en était pas un. Ce n'est pas elle qui me sauvera de D.

    M. me parle du don des larmes, je ne vais pas y repenser en détail je m'en souviens. Evidemment je finis par tout ramener à de l'immanence pure, et à dire: ça ne prouve qu'une chose, les larmes, la vie. Ou l'amour, c'est pareil. Il a raison cependant: c'est essentiel, absolument essentiel. Pleurer comme propriété ontologique = la capacité très humaine de se sentir affecté et investi dans les choses, concerné et empathisant, tant avec soi qu'avec le monde et les autres. La vie, l'incarnation quoi. Qui ne pleure pas est exterieur à la vie ( je bacle ça comme un cochon ça devrait être beau à la mesure de la chose). Ce qui est curieux, donc: un don de grâce. C'est donc l'humanité (au sens ontologique) des gens qui leur est donnée. Les autres, ceux qui ne sont pas touchés par la grâce, ne l'ont pas, l'humanité. Ils ne sont même pas disponibles (dixit M. joliment et exactement) pour être sauvés (seul les humains le sont), pas disponibles pour quoi que ce soit.
    [le problème est: qui ne l'a pas eu? Qui n'est pas humain? Est-ce que les larmes interieures, ça compte? Est-ce que mes spasmes dans mes muscles des cuisses, ils comptent? Est-ce qu'il n'y a QUE LES LARMES? joli titre de roman. Pourquoi que les larmes? Et la névrose? AHAHAH]
    [Ceux qui ne sont pas humains sont ceux qui font des bonzaï-kittens...]
    Bref si c'est un don, personne n'est blamable pour son manque d'humanité. Il n'y a donc plus de problème philosophique ni moral. Il n'y en a d'ailleurs jamais eu.



    Z. m'a à nouveau fait réaliser que l'amour est rare, que c'est normal, qu'on peut être exigent.

  • les monstres aussi?

    Se souvenir de l'enfant, monstrueux loucheux béat monstrueux dans sa candeur et sa bonne humeur alors qu'il incarne le martyr de sa mère qui ne peut que le haïr tout en le choyant sa vie monstrueuse, elle est un jeu pour lui et on ne peut pas l'en blamer (le blamer pour sa nature d'enfant), son bonheur (impossible) est un outrage à la nature, son existence même inspire l'horreur des hybrides monstrueux de la grèce antique --son avenir est celui du fils-père de l'Icendie de Wajdi Mouawad--;l'enfant-adulte qui l'a engendré ne peut plus que se taire et mourir, Il N'Y A PLUS D'AMOUR POSSIBLE. Benni des dieux (il ne saute pas sur les mines) comme souvent c'est le cas dans la mythologie, fallait-il qu'il soit sauvé? A-t-il un message?
    Non, le monstre, il ne parle même pas. Il n'y a rien. L'aveugle! Le bigleux! Le faux Tirésias/Oeudipe creuvé! Et il a le culot de babiller comme un enfant.
    Au fond du lac! Au fond du lac!

  • Johnny is gonna kill anastasie

    Johnny dit :
    je suis là
    Anastasie dit :
    oui
    Johnny dit :
    quoi de neuf?
    Anastasie dit :
    rien, je vais gagner 2000$ pour 3 mois. Ce qui n'est rien! mais mieux que rien…
    Johnny dit :
    oui
    Johnny dit :
    eh, dis, ton RV "galant"?
    Johnny dit :
    avec la reine Maud...
    Anastasie dit :
    C’est à 9h
    Johnny dit :
    dans une heure alors?
    Anastasie dit :
    Donnes-moi un synonyme pour "présage"
    Anastasie dit :
    les grecs, ils disent quoi a part oracle?
    Johnny dit :
    je suis allé au cinéma, moi cet aprem’
    Johnny dit :
    un augure
    Johnny dit :
    un bon ou mauvais auspice
    Anastasie dit :
    Oui…
    Anastasie dit :
    un augure!!
    Johnny dit :
    en rentrant j'ai vu de la lumière au Parci-parlà, il y avait un débat des amis du monde diplomatique sur la crise des banlieues et l'immigration
    Johnny dit :
    du pain béni...
    [………………………………………………………………………………………………………………………………]
    Johnny dit :
    mais parles moi de toi, un peu!!!
    Johnny dit :
    des news de D.?
    Anastasie dit :
    ??? pourquoi tu dis ça!!!!
    Johnny dit :
    ou de ton mariage avec M.Binder...
    Anastasie dit :
    Non.
    Johnny dit :
    je ne sais pas, je tape au hasard
    Johnny dit :
    pardon, je viens de lire ton rêve, je ne l'avais pas lu avant...
    Anastasie dit :
    tu vois, j'en ai, de ses nouvelles !
    Anastasie dit :
    tu ne le trouves pas zarbi ce rêve?
    Johnny dit :
    je ne peux pas dire, c'est sûr qu'on doit se réveiller bien sonné après ça
    Anastasie dit :
    dans la partie que je ne raconte pas, je l’aimais trop, on se retrouvait dans un lieu étrange comme d’hab., toujours pour une occasion (un évènement) quelconque, et je lui courrais après partout dans l’urgence de rattraper le truc, un peu hors contexte (j’en avais au fond le sentiment, mais sans le ressentir distinctement), je courrais après mon idylle, qui arrivait effectivement, moi je pensais qu’elle arrivait parce que c’était le déroulement heureux et normal du truc, mais plus j’y pense et plus je me demandais quand même dans le rêve si au fond, si ce n’était pas sous ma pression
    Anastasie dit :
    et j'étais sûre qu'elle m'aimait, c'était absolument passionnellement réciproque (dans le rêve je le ressentais comme ça au présent, mais maintenant que j’ai rêvé la fin du rêve qui montre que je me trompais, je me demande si je le croyais vraiment, ou si je flairais l’aveuglement, mais non, parce qu’il y a eu des moments de bonheur intenses dans ce rêve)
    Anastasie dit :
    mais...à la fin il fallait bien que j'en convienne...je me trompais...(c’est une discussion que j’ai eu avec Vincent : est-ce qu’on peut se tromper sur le fait que l’autre nous aime, si on sent l’amour dans l’air ? Lui il dit oui par expérience, et moi je dis non. Je dis non même devant son expérience parce que moi quand je disais que je n’étais pas amoureuse de lui, je l’aimais tellement et c’était bien mon amour qu’il sentait dans l’air. Mais je n’étais pas apte à ressentir du désir amoureux… Mais il ne se trompait pas. Lui il dit : on peut sentir de l’amour dans l’air, croire que c’est celui de l’autre personne mais en fait c’est le notre qui déborde et nous aveugle. Moi je ne crois pas. En tout cas, on peut dire avec certitude quand quelqu’un ne nous aime pas, même s’il vous dit qu’il nous aime. Où est-ce que c’est notre non-amour qui déborde ? hmmm…
    Anastasie dit :
    En tout cas dans le rêve, c'est mon amour à moi qui baignait l'atmosphère, pas le sien (merci Vincent pour avoir infiltré le doute sur l’amour dans les rêves d’amour)! Horreur.
    Johnny dit :
    je ne fais jamais des rêves comme ça moi
    Anastasie dit :
    Mais POURQUOI DIABLE EN FAIS-JE?
    Anastasie dit :
    Je ne la vois pas, je ne lui parle pas, je n'ai rien qui me rapporte à elle depuis des lustres!
    Anastasie dit :
    et j'y pense tout le temps!
    Johnny dit :
    1) l'univers onirique marche par symboles
    Anastasie dit :
    j'ai un problème d'amour avec cette fille, un problème réel d'amour réel !
    Anastasie dit :
    éhéh, drôle de chassé croisé, tu m’écris « symbolique » au moment où j’écris « réel »
    Anastasie dit :
    tu pense que ce n'était pas elle dans le rêve?
    Johnny dit :
    2) c'est justement parce que tu la bannis de ta vie qu'elle revient pendant tes nuits
    Anastasie dit :
    je ne la bannis pas! Mon dieu, si je pouvais la voir! J’en tremble en allant au boulot! Mais...ce n’est pas près d’arriver...
    Anastasie dit :
    et puis... elle ne doit plus m'aimer et elle a raison. Il ne peut en être qu’ainsi.
    Johnny dit :
    il n'y a rien d'étonnant à que tout ce truc phantasmatique fasse des rèves chélous...
    Johnny dit :
    je ne sais pas, moi, si elle t'aime ou pas...
    Anastasie dit :
    mais bordel, QUEL TRUC PHANTASMATIQUE??
    Anastasie dit :
    Ce n'est fantasmatique que parce que j'en rêve! En il n’y a pas de raisons pour que j’en rêve comme ça !
    Anastasie dit :
    Y A RIEN LA!
    Anastasie dit :
    comment ça se fait? je ne comprends pas
    Anastasie dit :
    et tu dis par symbole... c'est quoi, qui se passe, alors, dans le rêve?
    Johnny dit :
    Je n’ai pas la clé...
    Anastasie dit :
    dis, tu crois que ça va partir? un jour? ça prend une place folle dans ma vie psychique, c'est fou cette fille!
    Johnny dit :
    je crois qu'une ou plusieurs explications avec la miss ne serait pas une mauvaise chose...
    Anastasie dit :
    mais le problème c'est qu'il n'y a rien de réel à expliquer
    Anastasie dit :
    il n'y a plus que peu de matière réelle
    Anastasie dit :
    enfin non, c'est totalement faux
    Anastasie dit :
    il y a mille milliards de tonnes de feelings réels
    Anastasie dit :
    et de parole réelles
    Johnny dit :
    je sais bien, c'est ça le truc fantasmatique
    Anastasie dit :
    et de bisous réels
    Anastasie dit :
    merde!
    Anastasie dit :
    tu sais, je me demande si ce n'est pas moi qui vais me dégonfler pour NewYork
    Anastasie dit :
    je vais mourir avant d'y arriver c'est sûr!
    Anastasie dit :
    et si elle m'aime pas, j'en mourrai!
    Johnny dit :
    c'est un peu dans ce sens que je parlais de bannissement
    Anastasie dit :
    tout en le lui souhaitant (de ne pas m’aimer) sinon elle sera malheureuse
    Anastasie dit :
    mais moi j'en mourrai!
    Johnny dit :
    de mise sous couvercle, un peu
    Anastasie dit :
    Oui mais pourtant, c'est moi qui l'ai laissée! C’est moi qui suis pas prête du tout à l'aimer (Myriam m’a dit : « alors…tu es prête à l’aimer ? » quand elle m’a vue trembler d’excitation après qu’on ait parlé de NY) !
    Anastasie dit :
    c'est moi qui dis NON! (et ça, ça ne change pas, il y a quelque chose d'impossible)
    Johnny dit :
    le ban
    Johnny dit :
    écoute, tu n'as pas besoin d'y aller matériellement pour procéder à une tentative d'explication
    Anastasie dit :
    ah...mais tu sais , si je ne la voit pas, ça reste tout aussi irréel
    Anastasie dit :
    et puis on s'est déjà tout expliqué
    Anastasie dit :
    c'est ça le problème, y a rien qui me démange et que je dois lui dire
    Anastasie dit :
    à part que je l'aime, bien sûr
    Johnny dit :
    pas si sûr, d'où tiens-tu cette certitude?
    Anastasie dit :
    ce qui est l'unique chose que je peux pas lui dire
    Anastasie dit :
    écoute,
    Anastasie dit :
    tu te souviens, quand j'étais amoureuse de clo, je l'aimais trop quand je ne la voyais pas et j'avais besoin de la voir pour me dire "ah ce n'est que ça, Clotilde, tout est dans ma tête" et ça passait
    Johnny dit :
    mais D. ne boxe pas dans la même catégorie
    Anastasie dit :
    jusqu'a ce que le fantasme prenne a nouveau le pas sur la vraie Clo. Mais là, ECOUUUTE
    Johnny dit :
    ce n'est pas une vieille copine d'enfance
    Anastasie dit :
    quand j'ai D. au téléphone, c'est l'inverse total, plus elle me parle et plus je me dis que je l'aime
    Anastasie dit :
    3h d'affilé
    Anastasie dit :
    ça ne fait que grandir comme certitude
    Anastasie dit :
    Plus le fantasme part, plus je l'aime vraiment elle
    Anastasie dit :
    absolument et de manière certaine
    Johnny dit :
    c'est le propre du truc fantasmatique qui se nourrit de son propre fantasme
    Anastasie dit :
    non! c'est l'inverse!le fantasme est dilué par la personne réelle toujours, moi ça me fait ça
    Anastasie dit :
    Et justement, ça m’a pas fait ça (l’amour ne s’est pas évaporé au contact de la réalité) avec toi à l'époque, ni avec D. Pas avec l'amour, quoi.
    Anastasie dit :
    Et elle…je la connais, elle est pas un fantasme, elle est mon ex ! C’est très concret tout de même !
    Johnny dit :
    Tu n'es pas assez vieille, pour extraire des lois générales si je peux me permettre…

  • Ainsi soit-il.

    J'ai dû être maigre pour obtenir mon comptant de légèreté et avoir la résistance de l'acier.
    Je dois être grasse pour expérimenter la féminité, le moelleux et la grâce.


    Elle se questionne sur le fait de savoir s'il faut avoir confiance ou non en un sens transcendant.* Si c'est un leurre, elle va traverser sa vie comme une anesthésiée. [qui a-t-il de pire que le doute?]

    Alors, de fait (?): elle s'efforce de trouver un sens à chacun des tournants, des strates, des crises et des révélations. Pourtant, elle ne fait que le trouver (pas le donner), elle le livre aux circonstance (mais elle le cherche quand même). C'est dire qu'elle l'attribue à...**.

    Finalement la différence n'est pas dans le fait que les évènements aient un sens ou non, mais dans le fait qu'elle ait de l'emprise (du pouvoir) sur eux ou non.

    * Auquel cas on ne peut et doit qu'accompagner notre existence de nos prises de décision. Les évènements se passent anyways, le sens est là anyways, ça s'en va à quequ' part. Mais on ne le voit pas: soit on n'utilise que 10% de notre cerveau/intuition et l'espèce humaine est encore un bébé, soit "gods kill us for the sport!" (il y a quand même l"hypothèse d'une transcendance (les 90%non utilisés) dans la première hypothèse). D'où l'essentielle confiance. Attention tout ça a l'air trivial mais ça l'est pas, le flou est là: entre l'intuition et la confiance. "Je le sens, c'est tout. Ca s'autojustifie."= déresponsabilisation. Confiance en soi = confiance en autre chose (en un sens transcendant)? Sinon on ne peut que douter de soi à l'infini, si de nous dépend TOUT!

    **Il y a à la fois un chaos producteur d'accidents/évènements --les circonstances-- et une Intention derrière. Double fondement (tension) à creuser. Etrange, quelle que soit l'hypothèse il faut qu'il y ait un sens. La construction dans le pur présent, dans le pur fur-et-à-mesure est impossible à penser.

  • apolitisée

    Je veux dire: peut-on faire confiance au sentiment qu'on a de savoir ce que l'on est, sans risquer de sombrer dans une passivité aux conséquences dramatiques (dont la principale est la prise de conscience qu'elle a été une erreur)? Je veux dire, ne doit-on pas formuler ainsi la question de la réalisation de son essence: doit-on suivre sa pente, ou non? C'est la tension contenue dans la formule réaliser son essence (mon essence, je le suis déjà par essence). Alors je veux dire, doit-on suivre sa pente à tout prix (ce qui n'est plus vraiment "suivre", d'où l'expression de Gide "remonter sa pente") ou se glisser dans les exigences de la réalisation sociale (ce qui peut être très riche et normal, le mot "glisser" n'est pas le mot "faire le mouton")? Je veux dire (rectification successive et nécessairement infinie des métaphores), comment savoir à quel moment notre confiance dans ce qu'est notre essence transforme cette réalisation en un glissement confortable dans un simple "moment de soi"?* Je veux dire aussi (à part que la métaphore de la pente ne convient absolument pas pour l'idée de réalisation de soi), si la réalisation de notre essence est un acte, jusqu'à quel point peut-on se fier à notre intuition de ce qu'est notre essence? (parce qu'un acte est une modification, une action, ce qui est l'inverse d'une intuition) Autrement dit, dès lors qu'on a une intuition de soi, peut-on encore parler d'une tension vers une réalisation de soi? Mais l'idée de réalisation de soi ne sousentend-elle pas déjà une intuition de ce qu'est soi? Finalement c'est nul, tout ça, on arrive à: la réalisation de l'essence présuppose l'essence. C'est bien la peine! Je suis incapable de raisonner sans tomber dans un vilain sophisme. C'est pas ça que je voulais penser, au début.

    PS: Je viens de comprendre où est la dérive sophiste: là où y a l'astérisque. Il aurait fallu continuer: "comment être sûr que notre intuition est bien notre essence, mais en même temps, que croire d'autre que ce que l'on sent qu'on est? Et que faire d'autre, dans la vie, qu'essayer d'épanouir ce que l'on sent qu'on est? Mais comment être sûr que l'on est pas en train d'hypertrophier un moment de soi en "essence"? Et comment supporter ce doute, mais comment l'ignorer? Qu'épanouir, si l'on ne se fie pas à ce qu'on sent qu'on est? QU'EPANOUIR?"
    Bref. A l'origine:

    Brian said "don't be afraid of that" quand je parlais de ma crainte que le fait de faire une thèse m'encourage à penser que mon essence est définitivement d'être une poétesse symboliste russe des années trente (c'est à dire d'être une nobody névrosée qui prend sa névrose pour son essence). Car le problème c'est que le diktat de l'experience vécue (c'est à dire là où je suis une poétesse des années trente parce que je vis une poétesse de années trente, ce qui se passe de justification!) nous mène à un mode où n'importe quoi peut être n'importe quoi, alors tout est permis parce que tout est justifié. C'est pour ça que je seek un moyen d'assoir légitimement une règle de conduite, il en faut une, là où tout peut être tout et se justifier comme tel.

    Tout ça a pour très secondaire effet de discréditer le monde réel , et pour résultat ultime de me déresponsabiliser (de m'apolitiser!)

  • Charité

    Egocentrisme (ontologique, pas ontique) de sa "charité chrétienne". Elle est clairvoyante, elle veut éclairer les gens. Mais ça présuppose toujours qu'elle détient la vérité Révelée (ce n'est pas là la prétention prétentieuse car ce n'est pas de sa faute, c'est par nature), alors elle veut leur faire voir les choses à travers elle (elle a bien raison si elle a la vérité). Parce que elle, elle est la vérité. Mais la vérité n'a pas de facteurs psychologiques, alors que les gens et le monde sont régis par des facteurs psychologiques. Elle n'a que faire de les considérer, mais du coup dans sa transmission de la vérité elle se plante comme une merde parce qu'elle ne prend pas en compte ces facteurs psychologiques, qui sont un codification humaine nécessaire. D'où les Grands Malentendus.

    Elle, elle voit qu'ils se trompent dans l'absolu (ce qui...n'existe pas!) alors elle leur pardonne parce qu'elle le voit. Elle leur pardonne comme un homme pardonne à un chien de chier sur le tapis (où l'on voit Dogville). Il ne peut pas lui en vouloir, mais il essaie de lui apprendre à ne pas le faire, et il n'a pas besoin de se justifier pour ça, c'est juste "Non, on ne chie pas sur le tapis, c'est comme ça, c'est le Bien." Elle leur pardonne aussi parce qu'elle n'a pas lutté pour obtenir cette vérité, on la lui a donné. Elle n'a donc aucune raison de ne pas les aider. Elle ne s'en est pas "sorti" toute seule, elle n'a donc pas à attendre que les autres s'en sortent tout seuls. Ni qu'ils s'en sortent tout court d'ailleurs, elle ne fait que les pardonner et les aimer. Mais tout est biaisé, en fait elle ne voit rien (parce qu'elle n'est pas humaine).

    Je dis: sa manière de leur faire voir les choses (même la vérité) ignore leurs raisons. Certes elle les voit, leurs raisons. Mais du haut de sa vérité, elle se leurre (elle pense les voir totalement parce qu'elle surplombe, mais elle oublie/ignore qu'un facteur psychologique ne peut se voir que de l'interieur) et ne les prends pas en charge pour ce qu'elles sont, elle ne les comprend pas, elle ne les pénètre pas de leur propre point de vue (psychologique).

    Elle les pardonne, ces raisons qu'elle voit, et elle aime les gens "malgré" ça.
    Mais ce pardon ne porte pas au bon endroit, il tombe dans le vide, manque la cible. Et celà, elle ne le sait ni ne l'envisage. Car fort de la "vérité" qui le génère, ce pardon est aveugle (sûr-de-soi), et comme la Vérité se dispense absolument de réflexivité (elle s'autocertifie par intuition dans le premier mouvement), le pardon tient en un seul mouvement. Il n'y a rien pour le rattrapper, pour le rectifier, aucun retour qui ait une raison d'être.

    Ce que je dis, c'est qu'il y a une forme de violence (l'arrogance dogvillienne) dans ce pardon absolu (qui est son être, donc c'est la merde). Ce que je dis, c'est qu'il y a dans ce pardon absolu (qui appartient par essence à l'amour? A tout amour? Est-ce que c'est tous les pardons? Ou seulement ce putain d'"amour Jésus"?) un refus d'appréhender les raisons de l'autre pour ce qu'elles sont, c'est à dire les choses pour ce qu'elles sont. Les motifs/intentions de gens sont psychologiques, les choses font sens pour eux. Or ces motifs, elle les entends, mais ils sont pv~p, ils ne pèsent pas, ne valent pas, sont écrasées par un pardon implacable et inconditionnel*. Or les raisons sont des conditions, les condition dans lesquelles (pour lesquelles) se passent telles ou telles choses. Les réduire à néant, c'est dénier tout simplement la chose pardonnée (car nier le "pourquoi" de son apparition). Ce qui discrédite le pardon à l'instant même. Discrédite tout, tout est une erreur.
    *Le pardon inconditionnel ignore les condition.

    Dans tout celà, il y a une tension si elle est humaine. Alors elle est très violente. Si elle ne l'est pas, alors c'est seulement qu'elle est incapable de comprendre (les humains). Elle ne peut qu'aimer absurdément.

    Il s'agit finalement (ce dont je me rendais compte plus tôt) d'un moyen psychologique comme un autre pour ne pas prendre en charge le réel. Ce en quoi tient le "feeling Jesus": prendre en charge le réel quel qu'il soit (ce qui revient à: pas du tout).

    Il est bô mon inconscient, il est habile, je suis fière de toi mon bébé. Tu es bien armé pour me faire traverser l'existence forte du sentiment que j'ai raison.

  • état de fait

    Je ne suis au repos que lorsque glissée dans un modèle (pattern), dans une Conception du monde et de moi. Jésus ou Papa.

    Je n'ai aucune hiérarchie dans ma manière d'appréhender les choses. Il n'y a que du grand, du capital, de l'imporant, que du significatif. (ce qui veut dire: que des évènements qui remettent ontologiquement en question).
    C'est parce que je pense que tout celà n'est pas pour rien. Il y a un télos et des révolutions successives qui y mènent.

  • renversement

    Ecoute: par deux fois, ce dernier mois, cette pensée t'es apparue (like a shock in the back).
    La mystique du "feeling Jésus" n'est que le renversement de ta mystique (qui ne l'était pas, transcendante, qui était immanence pure) damnation d'il y a quelques années. Tu sais bien à l'époque, ce qui te drivait: tu étais élue pour souffrir et mourrir, ridiculement, par le sang, par le destin, par whatever. Maintenant "Jésus" est ce sentiment d'être bien au delà/au dessus, pour sauver et vivre.

    Donc: l'essence, ce qui est en jeu, est la même: moi. Plat shema psychologique binaire. Tu ne prends pas part normalement à l'existence normale, tu trouves un moyen pour t'en exclure pour raison d'essence. Le drame est toujours là (bien que tu n'en souffres pas vraiment, puisque tu voles): en tant que Jésus, tu donnes mais ne peux partager, c'est à dire ne peux recevoir. Tu n'en souffres pas parce que tu es pleine, c'est un drame en soi dont tu es consciente, mais sans en souffrir parce que ce n'est pas ta "fonction", ça ne manque pas à ta nature. Bref ce n'est qu'une histoire de mauvais conscience. Le résultat, qui me rend perplexe mais très abstraitement aussi: tu es absolument seule (et Dogville...). Tu aimes tout le monde mais personne, tout le monde t'aime mais parce qu'il faut qu'il en soit ainsi (et non pas: pour toi-même).Tu es seule, tu ne peux pas vivre la game parce que tu la vois, et tu te situes ailleurs.

    Tout ça, comme le dit maman, est donc absolument d'ordre psychologique, et mérite d'être opéré (fais-toi opérer de ta mystique, a dit Matthieu). Je dois donc partir me faire soigner.

  • pbs de morale

    Je suis quelqu'un qui dit n'importe quoi depuis le début: je suis la même personne (il n'y a pas de révolutions).

    Aujourd'hui mon collègue et ami mexicain au café m'a dit pour la millième fois que j'étais "cold, but (cette fois) in a funny way". Mais aussi l’américain génial, m'a dit en français " et toi tu es cette femme très intelligente qui pour quelque raison (some reason) fait la plonge Chez Josée. It's just perfect." C'est drôle, c'est rare que les gens disent des trucs en face aux autres sur eux, moi ça m'arrive jamais (il parait que pourtant les femmes attendent çà, qu’on leur parle d’elles…) d'autant que c'était parfaitement injustifié, et là deux fois dans la journée... Mais aux deux réflexions (qui sont la même) j'ai répondu des absurdités (j’ai plutôt bafouillé). Les deux sont fausses anyways (except the "no reason" thing).

    Ces dernières semaines ont été très chargées, difficile d’en rendre compte. Je me suis disputée avec ma bonne amie à cause d'un malentendu que je n'ai pas vu parce que ma certitude de voir le bien et le mal et d'agir de manière juste m'a rendue aveugle à sa réaction. She completely mesinterpreted what I said, what I did, my whole attitude, whitch was nonetheless right. And I was so confident in the fact that I was being moral that I could not see things from her point of view, from a psychologic point a view. And it is totally a different thing. I didn't realize that until now. That moral excludes psychology. And de facto we live in a psychologic determined world. Je veux dire que je peux agir aussi moralement que je veux, si les autres ne perçoivent pas les actes en termes de motifs moraux ils vont juste les mesurer à une aune totalement différente, et me prêter des intentions très différente que celles que j'ai eues. Or ce sont les intentions qui comptent (je le pense maintenant entièrement, il faut s'efforcer de voir à travers l'autre ses intentions. Ce sont les animaux qui ne le font pas, qui ne voient que les résultats. C'est ça l'essence de la communication. C'est un devoir, si on est humain. Ca vaut pour les actes pareil et surtout.).

    Mais ça suppose une certaine confiance dans le fait que les autres ont les outils pour comprendre proprement mes motifs. Et que faire si oui, les autres interprètent (pas surinterprètent, juste restituent leur sens aux phrases dites, or leur sens...), mais ne se situent pas sur le même niveau? Et pourtant il faut admettre ce qu'ils comprennent comme ce que j’ai dit. Et c'est le plus terrible, oui, parce que ces choses qu'on te renvoie transfigurées à travers un regard unexpected tu les as dites, elles sont de toi, tu en es responsable c'est tout. Comment se décharger en appelant ça un "malentendu"? Quand on parle à quelqu'un, quand on agit tout court, on assume déjà toutes les interprétations --si elles ne sont qu'interprétations et pas déformation-- qui peuvent en être faites. Alors j'assume ma rixe avec mon amie.

    C'est cependant horrible, en fait je ne l’assume pas du tout. Fuck. Ca revient à l’expérience mystique de la serveuse : que le monde dans lequel je vis pour de vrai ne s'exerce pas dans le même système de valeur que celui dans lequel j'évolue, ais-je beau penser que c'est le plus élevé. Et dans cet ordre d'idée j'ai tort. La morale doit plier devant les facteurs psychologiques et les déterminismes sociaux, parce que de toute façon elle reste inintelligible, et en tout cas fatalement interprétée selon des motif psychologiques et sociaux qui la travestissent (l'abusent) entièrement. Je suis révoltée et affligée de cette fatalité. Car du coup en ce monde je m'abuse, je suis aveugle.

  • solipsisme

    Si seulement je pouvais le voir, je veux dire, tout écrit dans le ciel, dans le marbre, et pas seulement en ressentir la bizarrerie sans la voir, je suis comme une aveugle infiniment intuitive, une aveugle révélée, révélée de la totalité du monde dans son ensemble (le pléonasme est nécessaire), mais ô frustration suprême, cette révélation n’est pas vision, elle ne pallie donc pas à ma cécité, et me laisse clairvoyante mais aveugle, infiniment impuissante…
    Je peux dire, mais mal, communiquer mais toujours par des moyens détournés, le langage…
    Ou agir selon ce que je vis comme monde en dedans pour le faire deviner, en creux (dans le creux de mon comportement) aux gens ? Mais non, justement, ça ne se livre pas d’un coup d’œil (=instant, Augenblick), la totalité du monde dans son ensemble car dans la vie normale on est tributaire de la temporalité, du déroulement.

    Elle est née aveugle. Mais à quatorze ans elle s’est rendue compte qu’elle recelait la totalité du monde.
    Maintenant lorsqu’on lui demande : de quel monde s’agit-il ?
    Elle peut répondre :le monde est celui du gardien du monde. Celui qui voit n’a que le privilège de l’espace-temps (du déroulement et du mouvement). Il peut agir et progresser. Mais celui qui ne voit pas réalise pleinement l’essence du gardien. Il est la garantie de l'existence du monde: il garde tout. Je suis le gardien de mon monde, qui garantit l’existence de ton monde.

    Elle est comme une héroïne épique qui est rentrée chez elle depuis dix ou quinze ans. Elle est clairvoyante mais elle a des regrets (ou : mais elle le regrette).

    Il aurait pu en être radicalement autrement si elle n’avait pas été éduquée à toujours sortir plus riche de n’importe quelle expérience. Elle ne l’a donc pas décidé, elle était inconsciente jusqu’à maintenant. C’est le décalage d’avec la manière dont les autres vivent leurs expériences qui lui a mis la puce à l’oreille. Eux, ils vivent mais se réveillent tous les matins avec la même innocence. Elle, entre sa première et sa quatorzième année, a tellement expérimenté (pas compris ou conçu) le rayon de possible qui auréole chaque atome d’expérience, qu’elle se trouve maintenant à avoir expérimenté toutes les significations possibles (qui se recoupent souvent pour un même moi). Elle réalise qu’il n’est finalement besoin que d’un assez petit nombre d’expériences, l’essentiel étant d’en extirper absolument toute la possibilité.
    Une fille qui a quatorze ans et qui a vécu toutes les expériences en une.
    Elle est aveugle parce qu’il faut qu’elle n’ait pas le monde qui se déroule devant ses yeux. C’est le seul moyen pour que sa seule expérience du monde possible soit une expérience de sa totalité.
    Elle essaie, impossiblement avec des mots, de faire comprendre aux gens que toute expérience peut être n’importe quelle expérience/renferme toutes les expériences.
    [Si elle voit un diable sur le lit, alors il y a un diable sur le lit]


    Finalement il s’agit d’un subjectivisme monadique immense. Tu es complètement attardée. Tu oses prétendre que l’essentiel de l’existence se résume à un déploiement* ?

    *Si on recèle la totalité du monde…il ne s’agit plus que de réminiscence et de mise en acte…déterminisme. Non, destin. Non, sens.

    En tout cas, ce qu’il faut retenir pour l’inventaire de ta névrose : tu dis que l’expérience n’a aucune importance en elle-même, rien ne t’es apporté de l’extérieur !
    Mais si : tu dis que c’est au contraire de tirer tout ce que tu peux d’une expérience = ce qu’on appelle la vivre pleinement. Elle a donc une valeur immense.
    Je ne sais pas.

  • Napoléon, Jésus, le pape et le poète

    Pour la question sur la poésie: je m'exprime donc fort mal à nouveau, j’ai des problèmes de niveau de réalité. En fait, quand je dis "Est-ce que la poésie des poètes peut être expliquée sociohistoriquement…", par « poésie des poètes », j’entends l'expérience d'écrire des poèmes. Ou plutôt je désigne le fait qu’il y ait des choses comme la "poésie", je me questionne sur ce que ça signifie : que ces choses traduisent une expérience absolument singulière. C'est-à-dire que je m’interroge sur le phénomène Poème, avec un P majuscule parce que c’est le symbole d’un dépassement de l’expérience usuelle réaliste du réel (qui n’est pas peu, cette expérience, elle est tout).

    Par exemple dans Le Diable de marina Tsvetaieva : il y a un poêle gris dans la chambre de Valérie, c’est un poêle parce qu’on peut s’y chauffer. Le mot « Poêle », quand je m’y chauffe, veut dire poêle. Mais dans un poème, « poêle » peut vouloir dire n’importe quoi. En l’occurrence, si Tsvetaieva petite voit un diable assis sur le lit à la place du poêle, alors c’est un diable. Le poème incarne donc l’expérience (réelle !) d’un monde où un poêle est le diable, par exemple! Et surtout qui peut décider s’il s’agit du poêle gris ou d’un diable à tête de dogue ! Ce n’est pas clair, je sais. Mais à vrai dire ce n’est pas le propos, c’est juste pour montrer le poids que je vois dans cette stupide question.

    Il s’agit du Poème comme signe (résultat) d’une expérience (souvent il est l’expérience elle-même). C'est-à-dire finalement que le phénomène Poème représente, pour moi, l’excédent de sens que seul l’homme peut produire. Enigme. Il représente (d’où le P) ce qui dépasse le donné, qui est pourtant la seule chose (si immense !) que nous ayons : « à ce titre, tous les arts sont poème…En tant que « don » qui est surabondance inexpliquée par rapport au déjà-donné, à l’habituel, l’art véritable est Poème. Il dit toujours plus qu’il ne représente » dixit mon livre sur la poétique de la foi, parlant de Heidegger. Voilà ce qui est fou : l’homme « habite en poète » son monde. Non seulement il l’habite au sens fort où il en est le gardien, au sens ou il n’y a pas de monde sans l’ouverture de la signification qu’il effectue, mais PLUS que ça (il ne se contente pas d’attribuer le sens de « chauffage » au poêle, parce qu’il s’y chauffe), il peut ouvrir ce qu’il veut comme monde, et il vit ces mondes de fou (pour moi ce qui compte c’est l’expérience, et à ce titre il n’y a pas de différence entre une expérience vécue seulement à l’intérieur et une expérience « réelle »). Et de ça, l’existence des poèmes est la preuve, le signe, le résultat, et la possibilité de le communiquer.

    Voilà ce que je demandais à la forme négative : un tel phénomène peut-il être éclairé par une approche socio-antropologico-historique ? C’est juste que si je réfléchis à pourquoi la socio-politique ça ne m’intéresse pas vraiment, c’est que ce qui m’intéresse sont des phénomènes plus universels, à mon avis plus profonds, sur lesquels l’analyse socio-anthropoetc… d’après moi n’a aucune prise (en a mais à un niveau parfaitement sans conséquence pour ce qui nous occupe). C’est une question capitale : si un poêle peut être vécu comme un diable, alors c’est peut-être un diable. Ahahah ! J’aimerais beaucoup, effectivement, éclairer ça.

    Tout phénomène est par définition dans la lumière (phôs, en Grec, la lumière, et phainoménon…etc), mais justement il faut faire l’effort de comprendre ce que ça signifie, ce fait là, ce phénomène là, le fait que ça arrive (que ça se manifeste), pour l’essence de l’humanité. Llorsque je dis « ce que ça signifie » je dis : qu’est-ce qui en résulte comme éléments ontologiques ? Il faut toujours tirer les conclusions ontologiques des choses, sinon on ne fait qu’une énumération de propriétés sans portée aucune, c'est-à-dire qui ne fait pas avancer l’humanité (la compréhension de l’humanité) d’un iota. C’est de ça que je parlais aussi quand je disais que les gens en général parlent mais ne savent pas ce que signifie ce qu’ils disent.

    Quant aux études littéraires en général, je ne pense pas qu’elles aident à poser ce genre de question, voire même l’inverse : on s’occupe de la poésie (ok, sans l’éclairer ni l’expliquer et tout, normal ça ne s’y prête pas, ce qu’on y fait est cependant bigrement intéressant, chercher à ressaisir l’expérience singulière que le poème traduit…), certes, mais l’attention portée à l’objet nous fait oublier de tourner le regard vers le phénomène lui-même : c’est quoi, un poème ? L’un n’empêche pas l’autre, c’est sûr, mais une préoccupation détourne d’une autre, souvent. C’est tout.

    Je trouve très très drôle qu’à mon affirmation « je vais être une poétesse symboliste russe » D. me réponde « et moi ? ». Et elle…éh bien, puisqu’elle me demande…elle sera Napoléon. C’est hyper drôle ! Mais ce doit être seulement une manière en anglais de dire « mon cul », c'est-à-dire « pourquoi pas le pape tant que tu y es », quoique je ne voie pas pourquoi elle ne serait pas le pape, puisqu’on se situe déjà dans un niveau de possibilité tout particulier puisque je suis Jésus! Le poêle gris peut bien être le diable et elle le pape ou Napoléon! Voilà encore l’importance immense (cette fois psychologique) de la question. De tout cela dépend le fait que je puisse être Jésus —ou une poétesse symbolique russe—. Moi je me vis Jésus (d’où le « feeling » Jésus), ça ne dépend pas des autres, c’est une expérience. Donc pour moi je suis Jésus, puisque je le vis. Irréfutable. C’est tout. En fait ce que j’essaie de montrer depuis le début, c’est que je suis un poète !! Ridicule. J’aurais dû commencer par là. Oups, je n’avais pas compris que toute cette montagne ne servait qu’à tenter de justifier philosophiquement ma non-réussite sociale, ma marginalisation eu-égard au marché du travail et à la réalité, pour m’en déculpabiliser ! Donc je ne suis vraiment pas originale, parce que tout cela peut être résumé en « moi je suis un poète et je vous emmerde »…

  • pense-bête

    Notion d’ « engagement affectif maximum » (inventée dans les débuts difficiles de ma relation avec F.), je le réclame et le revendique. C’est la moindre des choses. C’est simplement l’idée d’aucune réserve « au cas où ». J’ai en horreur la réserve, le fait de se réserver un peu de soi dans un coin, un peu de marge de côté. Berk.

    Question à poser à D. : oui, on peut se demander des choses « quelles en sont les conséquences politiques », mais surtout elle devra répondre à : est-on dans une société qui permet (autorise, rend possible) le sentiment de transcendance (wow, ici ça ne semble avoir aucun rapport avec rien, on dirait un dialogue de sourds !)?

    Il y a des poètes partout, des mystiques partout.

    Ce qui est important : le lien entre la révélation et les mots, et entre la société et les mots. Le lien est clef.

    EXIT : la pensée !

    Est-ce que la poésie des poètes peut être expliquée socio historiquement ?

    Qu’est-ce qui déciderait de savoir si le diable que voit M. Tsvetaieva voit à la place du poêle de la chambre de Valérie n’est pas un diable, mais un poêle ? Elle voit le poêle, mais elle vit le diable. Qui dit qu'une expérience vécue est superieure à l'autre?

  • la proportion du risque et de la solution

    Ais-je rêvé, ou dans un demi-sommeil j’ai demandé à Fred ce que serait à son avis la sensation si on avait notre estomac retourné comme un gant avec sa muqueuse à l’air libre, disant « un picotement, un chatouillement » ? Ce sont des images que je n’avais plus depuis quelques années, toutes ces choses de chair et de sensation physiologiques étranges et un peu gores…


    Si je « décide » que je suis Jésus (que mon essence est « Jésus »), si je vais jusqu’à me condamner radicalement (mon Essence ! Y a pas plus radical.) à léviter seule au dessus du monde (c’est un peu dur), alors c’est que, pour en appeler à une solution si radicale, je ne dois vraiment plus pouvoir me permettre de tomber (léviter par essence est bien le meilleur moyen de s’empêcher de tomber)... Alors mon dieu, je dois être toute usée, au fond, et sentir que je me briserais en mille morceaux. Car vu les moyens déployés (Jésus !! Et puis quoi !!) par ce chenapan d’inconscient, ce que je risque doit y être proportionnel. Je n’ai jamais de ma vie employé moyen plus radical* : me condamner (me mettre en sécurité) par l’essence. Condamnée : c’est ce qui me rend (et m’a toujours rendue) sereine, car ça ne dépend pas de moi. On n’est jamais aussi bien backé que par son essence.**

    *Là je me rends compte que c’est faux : j’ai toujours employé des moyens si radicaux pour me couper du monde, toujours des affaires ontologiques…c’est juste que je n’avais jamais trouve de représentation aussi pratique –tout un terreau culturel et mystique pour occuper mon pauvre petit cerveau ça me permet une petite fuite dans la culture et donne un semblant de légitimité à tout ça...(je veux dire que comme ça je m’absorbe dans la pensée de quelque chose d’autre que moi –fuite- et ça entretient en plus implicitement au fond de moi la douce impression que tout ça –ma névrose- va s’ancrer dans un secret universel du fond des ages et partagé ! Evidemment mon ego en est satisfait, et il peut continuer à penser en toute légitimité parce qu’objectivement les questions de jésus ça nous intéresse…ahah. Quand j’étais damnée c’était la même sortie de moi-même du monde mais je n’ai pas pris la peine de me nourrir de représentations, alors c’était plus dur (mais j’allais mourir alors ça allait).

    **Ce que je suis, je n’y peux rien, alors c’est la meilleure sécurité quand on ne se fait pas confiance, que de s’instituer une essence qui a certaines caractéristiques certaines.


    Ouh là c’est un peu bien mal exprimé tout ça, pour une idée si simple…

  • la fille

    N'oublie pas qui tu es, promets-moi, n'oublie jamais. Tu es la fille maudite de ton père maudit, la fille illuminée du sang illuminé. La fille uqi pense, la fille qui est sage, la fille torturée à l'esprit tortueux, la fille qui souffre et qui se meurt d'amour, qui se meurt d'amour pour lui le mort, le brûlé vif.Qui souffrira éternellement de son trop jeune age, et de son humanité de l'époque.

    Elle ne l'a pas sauvé.

  • Epaisseur et valeur

    "ouiiiiiiiiiiiin! A quoi s'intéresse la phéno":

    R: Que serait Mort à Venise sans la IVeme de Mahler? La musique du monde, c'est ce à quoi on s'intéresse.

    En surface, que la normalité. Rien n'a bougé. Mais au fond tout un monde toute une histoire. Comment l'écrire sans qu'il y ait de confusion avec le récit de cette période-là de la temporalité? Tu sais, dans l'autre monde il n'y a que de l'épaisseur, pas de ligne temporelle, de déroulement. Pas de récit possible. On peut vivre l'épaisseur mais difficilement la dire. Car le déroulement (la réalité) c'est pour les pauvres. Ce n'est que l'épaisseur qui se dévoile à qui n'y a pas accès. Elle se déplie, se déploie pour se rendre viable c'est à dire compréhensible.

    [L'immense problème/chalenge pour l'écriture est que l'on ne peut que faire vivre l'épaisseur à travers l'écriture d'un récit (puisqu'il n'y a que ça)...qui ne doit donc pas être pour sa propre fin, mais pour convoyer! Mais doit évidemment se tenir quand même pour pouvoir soutenir ce qu'il porte .]

    A part ça on peut toujours se demander: peut-on vivre tout en épaisseur? Mais là on parle d'écrire.


    Remarques, dans la vie...ma croyance en le destin, il s'agit de ça (donc, ma chère tu peux écrire: "des dérives de la métaphore qui mènent aux superstitions grossières").
    Soit: tout est déjà "là", seulement condensé de telle manière que le noyau ne se manifeste jamais que dans son déroulement, ou: chaque strate se dévoile à son tour. Et nous, nous ne voyons les choses que quand elles passent à leur tour. L'une cache la suivante écidemment....comme une pile de briques vue de haut: on n'en voit qu'une et elle est la seule. Pourtant l'épaisseur...

    Attention tu te trompes, la question du destin prend place quand même au niveau de la réalité. Il y a l'idée que ce sont les actes qui sont "écrits". Alors que tu le sais très bien, dans l'Autre monde, il n'y a que des valeurs, pas de qualités ni d'actes (= rien qui puisse prendre place dans le déroulement, rien qui puisse dérouler...).
    Evidemment, que les hommes sont libres...et que le déroulement n'est pas écrit...on fait ce qu'on veut de notre peau...

    (Gide) 1 homme = 1 valeur. Ce qu'il vaut, ce qu'il donne, ce qu'il est quand on le presse comme un citron(=période du four et du squelette, mise à l'épreuve pour voir de quoi la chose -moi- est faite pour voir à qui on a à faire et jusqu'où on peut s'appuyer sur elle). Et ça, ça ne change pas. C'est écrit depuis le début.

    Le cheminement parallèle (véritable), celui qui a lieu dans l'Autre monde, la véritable quête, celle qui ne dépend en rien de la temporalité ni du déroulement dans la réalité est la conquête de cette valeur (de sa prise de conscience?). Qu'est-ce que je suis, moi.

    Expérience mystique = celle de cette valeur. Cette valeur n'évolue pas, mais mon moi de la réalité actuelle en est plus ou moins loin, mes expériences aussi. Réfutations (révolutions) successives vers mon moi. J'ai du pouvoir.

  • le fonds commun

    Pour les Sciences politiques:
    Comme la question de la communication (et à plus forte raison celle du politique) est une question de la réalité réelle, tant que la question de la réalité vécue n'est pas résolue elle ne peut être ni résolue ni posée. C'est sans appel. Dans l'ordre du vécu, elle se pose nécéssairement comme la question de la possibilité d'une jonction entre les réalités vécues. On voit difficilement comment c'est possible.
    Y-a-t-il un socle commun d'expériences vécues? Y a-t-il, en deçà des conventions qui font la réalité réelle, une communion, une possibilité de co-mmunication de fond de nos vies-vécues?
    N'importe qui dirait oui, sinon d'où sortiraient ces conventions? Mais évidemment qu'il y a une similarité dans nos usages. Mais nos expériences vécues sont très loin de se limiter à des usages (je veux dire que la manière dont je vois/visualise/sens/me représente ma chambre à coucher est très loin du simple usage (coucher) que j'y fais). On s'en fout, de la réalité réelle commune des usages. Y a-t-il un fondement plus profond, un monde commun plus profond? Non, c'est pas ça. En fait le problème apparait si l'on veut établir une morale légitime (j'aurais dû commencer pas là), des règles de conduites qui soient fondées. Si l'on veut pouvoir juger, décider des actions des uns et des autres. Il faut pouvoir com-prendre, pour celà. Comprendre la réalité vécu de quelqu'un, est-ce que ça peut être autre chose que la vivre? Il le faut. Oui, i ly a des intuitions, de fait. pfff.
    Je ne sais plus ce que je voulais dire, mais je le sens en tout cas, la géante énigme, l'urgente question.


    "Les mythes, ce sont des mots irresponsables, des mots du possible. De ceux qu'on emploie quand on ne peut plus raison garder".

    C'est ce qui arrive...

  • 2 diagnostic sur l'expérience mystique de serveuse

    2005-10-05

    Deuxième tentative

    2) Bon, il y a beaucoup de choses que j'ai dû mal exprimer su mon expérience du resto, et qui ne se situent en fait pas au même niveau que celui auquel elle, elle se situe, je ne peux donc pas lui répondre à proprement parler. L'essentiel est de distinguer le niveau de réalité vécue, là où se passent les expériences pures, qui est constitué de "moments" de la personnalité qui vit des révolutions intenses, dont l'ordre n'est pas la temporalité, mais qui est plutôt tout en épaisseur etc., et le niveau de la réalité normale. Ce qui fait que au niveau normal oui, tout s'est super bien passé.
    MAIS au fond: que c'est-il passé pour moi? Dans mon expérience de moi-même? Ca a provoqué plein de questionnements, de remises en cause profondes. Mais ce n'est pas du tout la situation, je veux dire la manière dont ça s'est passé, qui a fait ça, puisque rien de spécial ne s'est passé. C'est plutôt moi, qui croyait en la magie, qui tombe perplexe et a plein de déconvenues devant un monde où la magie n'a pas cours. Mon expérience vécue (ce qui compte) n'est pas la particularité de cette expérience de serveuse dans ce resto particulier où les clients ont été comme ci comme ça, mais bien plutôt celle du constat, de fait, de l'existence d'un autre monde.

    Ce n'est pas de la naïveté de ma part devant le caractère impitoyable de la restauration, ni un manque de distance. Non, c'est bien au niveau plus profond de ce que ça a signifié pour moi. Ce que ça a impliqué pour ma conception du monde, au niveau de ma pensée du sens du monde, de l’existence, des choses.

    Je suis donc facilement mécomprise. Mais c'est ma faute, je ne me situe plus jamais au niveau réel quand je parle de choses importantes (tellement j'ai vu, avec mes recherches et avec moi aussi, que le seul vrai niveau, là où se situe l'énigme, c'est celui qui est vécu, c'est à dire: les choses uniquement dans le sens et la valeur qu'elles ont pour nous. C'est à dire: dans ce qu'elles "représentent" (signifient) pour nous, ce qui est souvent tellement différent de ce qu'elles sont "objectivement". Par exemple: en apparence mon job de serveuse s'est déroulé très bien et normalement, mais pourtant ça a été une expérience cruciale pour moi, de fond, très importante. Et rien n'a paru, il n'y avait rien de spécial en surface.

    Et quand je dis « je suis Jésus », c'est vrai que j’ai du mal à me faire comprendre aussi, c’est que c’est un raccourci pratique pour moi mais très hasardeux. Quand je dis "je suis le christ", alors on doit se dire "c'est quoi, le christ"? Evidemment il y a plein de réponses ! Alors ça peut vouloir dire des choses diverses. Pour moi : c'est l'amour infini, le pardon infini, l'incarnation de dieu sur terre. Ca c'est conceptuellement, on se fout des connotations cathos. Le raccourci est le suivant: "Jésus" est le nom de l'amour et du pardon infini. Alors moi, si je dis "je suis Jésus", ça veut dire " je ressens (et ça me rend perplexe) un amour et une capacité de pardon infinis". Et au lieu de dire ça, je fais un raccourci. Mais c'est vrai, c'est mal, parce que comme il y a des milliers d'autres sens et connotation au nom "Jésus", les gens selon ce qu’ils y voient le comprennent fort différemment. Merde.

    En tout cas ce qui est important: ce n'est pas que les autres me voient comme Jésus ou je sais pas quoi, ce n'est pas du tout par rapport aux autres. C'est seulement pour moi la description d'un sentiment, il désigne un caractère psychologique de moi-même. Je me sens de cette manière. Pas de jugement de valeur, rien. Mon « feeling Jésus » est la manière dont je nomme un feeling profond et vécu qui m'étonne et sur lequel je m'interroge ; mais il ne qualifie en aucun cas une situation au niveau de la réalité normale.

    C'est vrai que ce qui m'a heurté, au niveau de l'expérience vécue, c'est la collision entre le système de valeur que cet état implique, et le système de valeur réel, du resto. Immense confrontation. Mais qui ne se situe aucunement entre moi et les gens.

    Je sais que j'écris crypté, un peu, si je ne fais pas l’effort, mais je crois que je vis de plus en plus dans un monde souterrain.

  • 1 diagnostic sur l'expérience mystique de serveuse...

    2005-09-26

    Première tentative.

    1) Je suis un peu triste, en fait je me rends compte qu’il m’est impossible de communiquer mes expériences, je suis bête, ça va de soi, qu’une expérience est incommunicable.

    Pour le resto, il y avait quantité de choses essentielles qui constituaient le contexte de mon vécu du truc dont je ne me suis pas rendue compte parce qu’elles étaient diffuses et que je n’ai pas cherché ni été capable d’exprimer. D’où la difficulté de lui faire part du truc, en plus tellement sensible pour moi. Les choses concrètes ne sont pas importantes puisque ça ne s’est pas déroulé à ce niveau là, les clients ont été charmants et je n’attendais rien d’eux, ni eux rien de moi, de plus que d’avoir leur bouffe et quelques boutades et banalités. Sur le plan professionnel mon boulot s’est archi bien passé, ou plutôt s’est passé comme un boulot, sans affection (au sens d’affect) particulière. Le patron était content de moi, les clients aussi, le resto sympa etc.

    C’est à l’intérieur, parce que j’ai vécu le truc parallèlement comme une expérience de moi-même pour moi-même, qu’il s’est passé une montagne de trucs. Le seul moyen serait de tout écrire en italique, en auréolant chaque mot d’une connotation particulière très dense. J’ai tendance à présumer du fait que les gens vont savoir de quoi je parle, qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec ce dont apparemment je parle. C’est moi tout craché, ça…

    Ce que D. me réponds là dessus, je suis totalement d’accord, à la manière dont on est d’accord avec la déclaration des droits de l’homme. C’est juste pour dire qu’à ce niveau là, le niveau normal, OUI effectivement on est un « garçon de café » (Sartre et Gide, justement, dans le Prométhée mal enchaîné) quand on travaille au café et une eve à la maison. Oui le boulot est un endroit où la publicité prend son sens, et où on alterne entre ouverture et fermeture de soi pour s’intégrer à l’ensemble (de petits atomes comme elle dit). Oui s’il y a des connards je m’en fous totalement puisque je sais bien que je ne me réduis pas à ma condition de serveuse. Non, je n’attends vraiment pas des clients qu’ils me prennent pour plus qu’une serveuse, ni le christ ni certainement pas une jolie fille. Et non, je ne me positionne tellement pas au centre des trucs, des gens, en tant que MOI qui suis le christ et vers qui tout doit converger. Bien sûr, comme elle me le conseille, je n’ai vraiment été qu’une serveuse parmi les serveuses sans me positionner du tout dans ce resto dont au demeurant je me foutais pas mal.

    Mais eve, de quoi as-tu pu bien vouloir parler, en ce cas ? J’aurais dû commencer par faire la distinction entre ce niveau là, normal, du boulot, et le niveau de mon vécu, ou je sais pas trop, le niveau mystique de mon épreuve de moi, ce qu’il s’est passé au fond, qui n’avait que très peu de rapport avec le boulot, à bien y réfléchir…