2005-09-26
Première tentative.
1) Je suis un peu triste, en fait je me rends compte qu’il m’est impossible de communiquer mes expériences, je suis bête, ça va de soi, qu’une expérience est incommunicable.
Pour le resto, il y avait quantité de choses essentielles qui constituaient le contexte de mon vécu du truc dont je ne me suis pas rendue compte parce qu’elles étaient diffuses et que je n’ai pas cherché ni été capable d’exprimer. D’où la difficulté de lui faire part du truc, en plus tellement sensible pour moi. Les choses concrètes ne sont pas importantes puisque ça ne s’est pas déroulé à ce niveau là, les clients ont été charmants et je n’attendais rien d’eux, ni eux rien de moi, de plus que d’avoir leur bouffe et quelques boutades et banalités. Sur le plan professionnel mon boulot s’est archi bien passé, ou plutôt s’est passé comme un boulot, sans affection (au sens d’affect) particulière. Le patron était content de moi, les clients aussi, le resto sympa etc.
C’est à l’intérieur, parce que j’ai vécu le truc parallèlement comme une expérience de moi-même pour moi-même, qu’il s’est passé une montagne de trucs. Le seul moyen serait de tout écrire en italique, en auréolant chaque mot d’une connotation particulière très dense. J’ai tendance à présumer du fait que les gens vont savoir de quoi je parle, qui n’a finalement pas grand-chose à voir avec ce dont apparemment je parle. C’est moi tout craché, ça…
Ce que D. me réponds là dessus, je suis totalement d’accord, à la manière dont on est d’accord avec la déclaration des droits de l’homme. C’est juste pour dire qu’à ce niveau là, le niveau normal, OUI effectivement on est un « garçon de café » (Sartre et Gide, justement, dans le Prométhée mal enchaîné) quand on travaille au café et une eve à la maison. Oui le boulot est un endroit où la publicité prend son sens, et où on alterne entre ouverture et fermeture de soi pour s’intégrer à l’ensemble (de petits atomes comme elle dit). Oui s’il y a des connards je m’en fous totalement puisque je sais bien que je ne me réduis pas à ma condition de serveuse. Non, je n’attends vraiment pas des clients qu’ils me prennent pour plus qu’une serveuse, ni le christ ni certainement pas une jolie fille. Et non, je ne me positionne tellement pas au centre des trucs, des gens, en tant que MOI qui suis le christ et vers qui tout doit converger. Bien sûr, comme elle me le conseille, je n’ai vraiment été qu’une serveuse parmi les serveuses sans me positionner du tout dans ce resto dont au demeurant je me foutais pas mal.
Mais eve, de quoi as-tu pu bien vouloir parler, en ce cas ? J’aurais dû commencer par faire la distinction entre ce niveau là, normal, du boulot, et le niveau de mon vécu, ou je sais pas trop, le niveau mystique de mon épreuve de moi, ce qu’il s’est passé au fond, qui n’avait que très peu de rapport avec le boulot, à bien y réfléchir…