J'ai, après avoir marché sans voir plus de 5m devant moi, atteint le très petit sommet de la (crête de la) Pinea cet après-midi sous la pluie, et je ne voyais pas d'avantage le ciel que la vallée. Totalement ininteressant, ou: stimulant pour l'imagination. J'ai été poursuivie par un troupeau de veaux qui m'ont encerclée avant de lécher tous mes vêtements et manger mon sac, étrange et absurde, j'ai dû m'enfuir derrière la cloture électrifiée.
Etrange quoique proche du comportement latent (comportement latent?!?) de certains troupeaux d'humanoïdes parisiens de sexe masculin. Heureusement latent.
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anakin et dark vador
Peut-être que j'y mets de la mauvaise volonté, ou je suis comme ça, je sais pas.
Je n'arrête pas de voir des fantômes de l’époque bordelaise extatico-destructrice et de cette complexissime relation avec d., alors maintenant actuellement quand je me sens un peu extatico-destr…, et fermée, fermée avec elle, et dure comme un caillou je ne peux pas m’empêcher de faire l’association (même maintenant en plus j’ai un sac d’ecrous dans l’estomac et un etau dans la gorge et des litres de sang bouillant, des litres de…) et de me dire "ghahahawhhah (frisson) my god comment on va pouvoir faire ça c’est effrayant" et effrayant de similarité avec ce qu’on a échoué à faire à l’époque, en y laissant plein de plumes les deux. Alors, de peur, de douleur anticipée, de lâcheté, je fais ma pelote d’acier. Et je ne laisse aucune chance à rien : faut croire que l’expérience n’a pas été retenue (des fois si quand même).
je suis juste une trouillarde, une poule mouillée défaitiste, une zero-confiance en soi
quand il arrive, très ordinairement, des incidents, évènements (intérieurs ou extérieurs) ou même états dans ma vie, pour autant qu’ils « surgissent » et font accident, aussi anodins qu’ils soient, je crois toujours que c'est toute l'ontologie immense éternelle gravée dans les astres qui est remise en question pour toujours (ce qui présente une petite mise en insécurité hein). pourquoi?!!?! –me foutre en situation de crise intense d’angoisse insécuritaire en inventant le naufrage du monde-ach, je sais pas. Un incident, un malentendu, une anicroche, un virage un peu brusque et le monde (rebâti depuis le dernier cataclysme) s'effrite et s'effondre. Et c'est TELLEMENT EFFRAYANT (genre : j’ai un vrai problème de réalité hallucinée), le monde sombre, son ordre se disloque et ce chaos ( ! : un réagencement nouveau où je n'ai/n’aurai pas ma place -paranoïa) le remplace (ou surtout j’ai le pressentiment très net et pesant et implacable que c'est imminent), un chaos (par ce fait terrible) qui n'a rien en commun avec ce monde, rien sur quoi je vais pouvoir m’appuyer, je le sens, je le sais, j’en ai les yeux écarquillés d’être aux aguets (insomnie) CAR je dois me tenir prête, pire je dois anticiper et d’ores et déjà mettre en oeuvre les moyens (source de tous mes problèmes réels : je mets en œuvre dans la réalité les moyens avant, donc même si le naufrage du monde ne se produit jamais j’ai déjà agi en fonction dans ma vie normale et provoqué des esclandres, autant dire agi comme une folle –en fonction de quelque chose qui n’existe pas- et agi drastiquement et violemment dans l’urgence car c’est un cataclysme que j’imagine tout de même). Donc les moyens pour ne pas sombrer moi, avec le monde qui sombre, car autre insécurité gigantesque : je risque, moi de glisser dans le glissement avec le reste et de ne rien reconnaître chez moi, de ne plus pouvoir compter sur rien de moi, rien que je connaisse et qui soit familier, rien qui ne soit moi et CA AUSSI IL FAUT QUE JE L’ANTICIPE et le prévienne, mais : comment ??
Donc : ces moyens, je ne sais pas lesquels ils sont et pourtant il faut que je les trouve et les applique, et j’ai très peu de temps car il s’agit de l’effondrement du monde alors c’est très important. Le speed, quoi. Et, au moment même où j’ai ce sentiment, il faut comprendre que je ne suis pas du tout sûre que ces moyens soient de toute façon en ma capacité d'humaine, et pourtant ma mission (comme une quête) est de les appliquer, je n’ai pas le choix, je dois donc faire quelque chose que je ne peux peut-être pas faire, auquel cas je dois le faire quand même, mais je ne sais pas ce que c’est. Et c’est là, tout de suite, il y a un contre-la-montre. Et je ne sais pas ce que c’est, et je dois le faire. L’angoisse, quoi. Alors je fais n’importe quoi et je dis n’importe quoi et ce sont ces moments, là, ces petites tangentes dans ma vie.
Dans l’ensemble, puisque c’est cyclique : ça fait que je m’apprête toujours d’emblée, pour tout évènement circonstanciel et accidentel d'importance faible à moyenne, à le résoudre au char d’assaut tout de suite dans une détresse infâme, prétextant (ou souhaitant provoquer) un changement de paradigme titanesque ou une modification de nature profonde.
c'est comme s’il y avait une menace de guerre atomique sans arrêts, de guerre ou de grande maladie vous savez de ces choses qui remettent TOUTES LES VALEURS en question.
alors qu'il suffit dans la vraie vie de passer un coup de fil ou boire un café.
Après coup je le vois bien (et j'en suis très étonnée) qu'il n'y a pas eu de tremblement de terre, seulement les évènements normaux de la vie. Je le vois bien avec mon regard extérieur, et ce qui m’étonne c’est que ça ne va pas du tout avec mes souvenirs intérieurs, tiens, comme c’est étrange ! où sont les cratères des bombes ? mais finalement (drame) je m’en tiens (si je n’y réfléchis pas –ce qui est mon mode d’être le plus fréquent :-) à mon vécu, donc mon moi (résultat de ce vécu) est tout fissuré ou endurci, ou usé ou stratifié comme si j'étais passée au travers de 6 guerres mondiales. Des fois seulement je me dis que ce n’est pas arrivé et qu’en fait de l’extérieur j’ai même un cheminement assez linéaire qui semble pourvu de sens et d’intention (!). Peut-être même l’était-il. Pourquoi en ce cas, suis-je incapable de vivre simplement mon propre parcours tracé par moi ? Ah mais non non non, il faut apparemment que j’en sois la victime accidentée. Du coup c'est tout ce vécu d'angoisse d'inconnu immense (démesuré -à la mesure de: si le monde s'effondrait) qui me reste après, même s'il ne se passe rien. C'est pour ça que je trouve ma vie difficile, suffocante de difficulté. N'importe qui serait crevé après 6 guerres mondiales.
tout ça pour expliquer ma panique, et peut-être ce qu’elle appelle manque de confiance en soi, elle, nous. Je n'arrive pas, si je sens qu'il y a une toute petite passade difficile, à ne pas être persuadée que c'est le signe de l'effondrement imminent du monde. Or à impression démesurée, réaction démesurée.
Je crois que j'y mets de la mauvais volonté, parce que je le sais, tout ça, au fond. Mais je l'oublie, ou plutôt je n'arrive pas à le maintenir bien en vue, c'est noyé dans la névrose elle-même au bout de deux minutes et l'angoisse de l'effondrement du monde me prend l'estomac.
je me perds et j'ai plein de sable dans les yeux et le vent me fouette très fort et m’aveugle, ça fait mal, j'ai la gorge desséchée et pleine de sable piquant, aussi, je ne peux plus parler ni crier, ni voir le chemin
et je sens que c'est trop dur, surmonter tout ça et communiquer à travers l'ouragan
à moment donné ma vie me semble à nouveau en question, en jeu, toute ma vie, toute mon essence, tout, la mort, tout. Alors je me ferme comme une huître parce que j'ai l'impression que c'est moi qui ai raison et qui voit les choses et que le monde court à la catastrophe et que ce sont les autres qui ne le voient pas, et que je ne peux pas le leur dire et ainsi de suite.
elle veut lutter et moi j'ai l'impression que chuis pas capable, ça sauve les gens de vouloir lutter. Souvent je me sens très capable et je pourrais tellement, mais là je suis comme Frodo dans Lord of the Ring quand il met l'anneau et que le monde se brouille tout autour et il est tout faible et ne voit que des tourbillons de ténèbres tout brouillés et il a trop peur. Et les pires méchants l’attaquent à ce moment là.
je suis comme ça, je vois toujours les trucs dix fois plus grands
y a pas de tempête! Ca me prend que quelqu'un me sorte de toutes ces hallus -
suite Verrière: chateau du medoc
J’entre à nouveau dans cette campagne luxuriante et déserte, à l’Est de l’escalier qui descend du muret se trouve le figuier tordu plein d’épines en dessous duquel nous ne pouvions marcher pieds nus quand nous étions enfants, les ronces arrivent presque jusqu’au bas des branches maintenant, et réciproquement, un amas de ronces rampantes en buissons dispersés et piquants, aplatis et mêlés à ce qui fût du gazon réduit maintenant à des touffes de trèfle rêches plantées ça et là dans la terre grise bosselée de taupinières tassées peu accueillantes pour nos pieds (encore : comme elles l’étaient dans l’enfance, où nous plongions nos petons pour faire « les pieds des africains » dans la terre chaude et propre). Tout ce sol, d’un vert gris bleu sale épais et désagréablement mouillé, à la fois chaud et rêche et chargé de gouttes glacée qui vous font picoter les tibias. Je vois (je l’ai déjà vu) ça toujours de ce même coup d’œil (d’intuition) total –je ne me réduis pas à moi-, je descends l’escalier de pierres inégales et branlantes sans charme bouffées de lichen noir, elles ne tiennent pas leur forme d’une douce érosion -le temps n’a pas eu lieu ici, il est juste mort, a juste attendu- elles n’ont probablement jamais atteint la forme humaine de pierres taillées pour des escaliers ou des pieds nus ou chaussés, leur couleur est également inintéressante, de la pure nature plate archaïque inattentionnée. Je me sens légère ou malade comme dans un rêve (je prends le temps, après l’avoir sentie, de penser la description des pierres inhumaines) ou lourde et humaine menaçant de me vautrer à chaque pas (sur ces putains de pierres pas faites pour moi) et de me fouler bêtement une cheville, j’ai le sang qui me bat aux tempes –mais je flotte et appartiens à l’air-, les oiseaux se sont tus, ou j’ai perdu la faculté de les entendre sous l’effet d’une saturation toute intérieure de mes sens extérieurs comme un grondement sourd d’ultrasons, ou peut-être sont-ce ces oiseaux de toute façon si peu naturels qui ont changé de mode et chantent maintenant pour ceux de l’autre côté. Du côté du champ, le monde tremble effectivement tout autour de moi en un champ de force (je me dis que je ne vais pas tenir, que ce n’est pas un endroit pour moi ; et pourtant il m’attend et je peux marcher et respirer) je descends donc le pied léger (mes pieds ne sont plus englués maintenant) j’arrive devant le fameux arbres mais je suis chaussée alors je ne fais que reconnaître l’endroit (et penser sa description), que voir les impressions d’enfances ; comme je le disais plus haut je ne peux pénétrer sous l’arbre alors je le contourne (par la droite) et j’entreprends la traversée du champ qui me sépare de la pyramide qui s’avère en fait être un château du médoc en ruines, champ également grêlé de hautes touffes de hautes herbes tondues « à l’arrache » ou plutôt gyrobroyées qui rendent ma traversée pénible, il fait chaud, il fait moite et j’ai peur des insectes et des allergies bulleuses qu’ils me provoquent, il faut pourtant que j’aille voir là bas ; mais l’herbe est empoisonnée.
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Le vieux
Il est assis, le vieux, la tête presque entre les jambes, un orteil au pied gauche, des cheveux noirs frisés collés en mèches au sommet de sa tête autour d’une calvitie pourtant peu avancée si on y regarde bien; il marmonne mais on n’entend pas grand-chose, il n’a pas l’air d’avoir une seconde conscience de l’endroit où il est, de l’aspect qu’il a, de ses chevilles maigres, sales et gonflées et des passants autour. Je m’approche, il pue. Le graillon, la clope et le renfermé (le renfermé du grand air du clodo). Pourtant il m’attendrit, je me demande où il est en train de se promener dans sa tête, si les choses y ont une forme ou s’il n’y a qu’un méli-mélo d’atmosphères perdues. C’est peut-être ça qui pue, quand ça se perd. Je me rend soudain compte qu’il doit être infiniment mal dans son corps, humide, ballonné, plein de démangeaisons mal placées voire de petites bêtes. Il doit vraiment être perdu pour se laisser faire ça. Ou avoir de bonnes raisons (la seule étant pour moi : il sent qu’il est profondément ça, qu’il ne peut en être autrement). Je m’intrigue d’un homme ainsi.
Je me dis « il est resté bloqué à un moment de sa vie, à un endroit ». Ce doit forcément être ça : des fois, d’ailleurs c’est à ça que je reconnais les vieux (peu importe l’age), les hommes restent bloqués sur un moment, une période remarquable où ils ont eu le sentiment de s’accomplir et d’accomplir leur vie, des fois ils en restent prisonniers, le reste ne vaut plus –ils ne peuvent changer leur échelle de valeur et ne peuvent plus lire les autres expériences, j’en ai vu des comme ça.
Ou alors de son vivant il a voulu jouer au jeu de la maîtrise de soi et de la mise en scène et, alors qu’il s’est atrophié petit à petit, a régressé au fond de lui-même, il pensait y plonger et s’approfondir (il s’illusionne sur sa maîtrise) ; alors il s’est ratatiné et réduit à une (seule) couche du fond. L’écart entre ce qu’il est devenu et ce qu’il devrait (ou aurait pu) être est maintenant trop grand pour faire une bonne caisse de résonance, ça ne joue plus. Mais ça il ne le sait pas, il entend sa musique –il ne se sent pas seul ainsi-, il n’a pas perçu le moment où le décalage a cessé d’être celui qu’il manifestait, revendiquait, ou même acceptait et percevait.
On le lui a dit pourtant : tu te nécroses de tout ton profond et de toute ta conscience et, simplifié, tu te caricatures et commences à tiquer, à répéter, à te perdre dans ta très fausse perception de toi-même.
Mais ça, si j’y pense, c’était avant, maintenant il n’est plus que la peau vide du schéma de l’histoire.
Je pense alors à l’histoire tristissime de mon ami Vincent qui a voulu donner son sandwich au clochard près de l’aéroport, qui a relevé la tête et a dit mi-tristement mi-ironiquement (mi-inconsciemment) « Zé pas d’dents » en le regardant dans les yeux bien comme il faut. Mon dieu, peut-être que ce vieux là va lever la tête et qu’elle aura pas d’yeux, ou pas de nez ou…
Mais voyons, il ne faut pas penser tout ça quand on voit de pauvres gens. -
deux saluts
Ma correspondance, stupide et suffoquée sur l’échec de ma vie française. Mais c’est que je suis faible devant certaines de mes névroses, pardon hein, ces problèmes franco-français de réussite je n’arrive pas à dealer avec, je n’ai jamais pu, et de l’autre côté il y a elle et tout ce qu’elle m’apporte, la magie, la bonté de l’air, et je n’arrive pas toujours à ce que ça ne me fasse pas mal au ventre d’incapacité à rassembler les deux en moi pour rester magique justement, parfois ça me donne juste envie de hurler dans le ciel, toujours cette chose de me sentir coupée en deux, il y a la belle vie américaine qui me gonfle de vie et la vie française où je suis chez moi –et d’une certaine manière ça m’apaise, c’est ce qu’il faut, c’est pas tout négatif- et aux prises avec plein de problèmes, et le but serait d’être une seule personne et d’arriver à m’orner des deux avec majesté, n’est-ce pas, mais je suis du monde des hommes alors toute petite et j’échoue et je sombre sans cesse. Il y a des choses que je n’arrive pas à vaincre, au dessus desquelles je n’arrive pas à tenir la tête. C’est la faute de mon père si je lutte tellement avec les névroses de la réussite, j’en parlais avec maman et on disait que j’étais beaucoup plus élitiste et exigeante qu’elle, ce n’est pas la pression familiale qui fait ça, c’est ma pression intérieure héritée on sait d’où mais je n’en mourrai pas, moi, mais peut-être que pour ne pas en mourir il a fallu, à moment donné, que je décide d’échouer un peu et de ne pas m’arracher les tripes pour être la meilleure des meilleures, oui ça dû se passer comme ça :
-Eve, ça va être dur, tu le regretteras souvent, mais tu ne vas pas te laisser prendre à la spirale du mérite et de l’orgueil, parce que tu en paieras le prix et un prix que tu ne veux pas payer (parce qu’il équivaut à la mort tu l’as vu et tu le sais maintenant) : tu perdras le monde, la beauté, la magie et l’amour tout simplement (au sens fort, l’amour comme type de relation entre les hommes et avec le tout du monde), ce monde tu le perdras parce que les gens qui ne s’occupent que d’eux-mêmes n’y ont pas séjour on le sait, on le sait que pour se fondre dans le monde il faut se fondre tout court et un peu se dissoudre, et un peu s’oublier, et un peu s’absorber et se donner et ne pas se construire, se donner et ne pas SE construire, s’accepter, se recevoir (recevoir), accepter de ne pas s’engendrer soi-même. Eve, tu as voulu (au sens fort, bien autre que « désiré » ou « souhaité », la volonté, elle, a le pouvoir) ce monde quand tu l’as entrevu, tu as entrevu une autre forme de salut que ce salut (illusoire et morbide) qui provenait de toi et que de toi ; de soi et que de soi rien ne peut advenir que soi et on s’emmerde, quand il y a LE MONDE à explorer et à recevoir comme un gâteau d’anniversaire.
Mais Eve elle est hantée par le spectre de son moi stérile et brimé qui aurait tant voulu prendre toute la place et subvenir à tout. La gratification de se devoir tout rien qu’à elle et à sa propre force, à sa propre puissance. On peut vivre par cette seule gratification.
-Eve, tu ne veux tellement pas d’une vie si mortifère. Oui, la conscience de sa propre puissance fournit une énergie suffisante pour traverser sa vie, OUI. Mais c’est un désert. Et à moins d’être stupide (il y en a, des stupides, des aveugles comme ça et eux n’ont pas de problèmes) du coin de l’œil tu la verras, l’horreur de ta condition, le désert, l’erreur, le gâchis, et tu en mourras (d’usure et d’épuisement pour les efforts que ça te coûtera en persuasion constante pour te le cacher à toi-même, efforts qui achèveront de te couper du monde).
Oh boy ! C’est ça qu’il a dû se passer dans mon arrière crâne au moment où je me suis libérée de mon destin de fille à mon père. Mais le problème c’est que j’en suis pas libérée ; ce n’est jamais simple, le fantôme du moi auto-engendré qu’une partie de moi aurait si facilement pu/voulu être me poursuit un peu et me grignote, en France.
pardon que rien ne soit jamais simple avec moi. -
Cerisy
10-09-06
Il y a quelque jours j’écrivais sur le papier à D. que je perdais mes mots pour exprimer les vraies choses et me sentais un peu autiste; c'est que ce pauvre langage ("mon amour, ces pauvres mots..." -soupir dans l'oreille) est le seul terrain commun avec tous ces gens que je ne connais pas alors on passe notre temps à parler, puisqu'il faut (on veut) se comprendre, et tous ces signes qui, avec des gens qu’on connaît, passent par d’autres voies que les mots là il faut les forcer à passer par le langage et ça prend des efforts et de l'agitation -pour que si peu de ce qu'on voulait exprimer arrive à être transcrit en mots...-, on se force, on exprime, on décrit, on raconte sans cesse, et toute cette parole, moi ça m’épuise. (ce pour quoi je n’arrivais pas à lui parler au téléphone).
M. s'est excusé pour avant hier, il est mignon mais des fois c'est un boulet.
J'ai le cahier bleu et la cahier brun de Wittgenstein qui me menace sur mon bureau devant moi. Je dois rédiger ce putain de projet de mémoire de DEA pour la semaine qui vient, je lis sur l'intersubjectivité chez Husserl et cette histoire d'analogie ne me satisfait pas du tout, merde. Quand à l'action collective, je ne comprends même pas comment elle est possible, ni même la communication à vrai dire. Il faut pourtant que je résolve mon aboutissement au solipsisme, ma vie sera plus simple et moins pleine d'abérations comportementales. En fait si, ok pour l'action collective, ce sont les valeurs collectives dont je ne comprends pas comment elles sont possibles (valeur au sens moral).
...sois patiente...il y a le doc, après. D'abord la communication, puis le vivre ensemble, l'agir ensemble et le politique, puis la morale. Sinon tu ne t'en sors pas (je ne m'en sors pas)
Très drôle Colloque de Cerisy sur Soljenitsyne, je commence par une des dernières conférences (la découverte de la souffrance salvatrice, un truc comme ça), super exposé ronflant de références bibliques et de majuscules, donc l’absurde, Prométhée, Job, le Verbe, la Grâce, la Révolte etc, et là discussion : 12 personnes qui se jettent sur ce pauvre bonhomme sans aucun tact : « je ne crois pas qu’il y ait trace du theme de l’absurde dans l’œuvre de S… » « je ne vois aucune entreprise prométhéenne dans le Premier Cercle, bien plutôt chez Yvan Karamazov… » « vous surinterprétez les textes avec toutes vos références au christ » « ah oui, et au Verbe » « c’est vrai, et à la Grâce » « je ne crois pas du tout qu’il s’agisse de révolte au sens que vous donnez au terme dans… » etc., le pauvre homme s’est fait asmater la gueule. Je me dis qu’ils devaient en être à leur troisième jour de colloque, couteau entre les dents, et ne pouvaient plus se blairer. Rafraîchissant en tout cas... -
Jocelyn
C’est drôle le rêve qui a suivi, y avait plein de références à ma journée, d’abord une sorte d’oral d’admission au master 2 avec Jocelyn Benoist, corpulent, pas très jeune, très prétentieux et très fort, très sûr de lui qui m’intimidait –d’ailleurs j’oubliais tout et était très mauvaise, et j’essayais de lui faire sentir que je suis bonne, en fait, et j’y arrivais pas, je sentais que le charme n’opérait pas et qu’il ne voyait pas qui j’étais et qu’il me méjugeait et ne m’aimait pas, ne me remarquait même pas, et allait me recaler ! et à un autre moment, depuis un escalier, il se retournait vers moi et me donnait des conseils confidentiels (des clefs) pour réussi à être la meilleure, dont le plus important qui me semblait LA clef : « et…lisez la fin des chapitres ! » disait-il avec l’air entendu et moralisateur; c’est vrai que je disais à ma coloc avant de m’endormir que je ne lisais pas toujours les fins ; et ce conseil me marquait tellement dans le rêve qu’il m’en reste quelque chose là, c’est comme si dieu avait parlé et me donnait une seconde chance d’être la meilleure des meilleure, à cette condition (lire la fin des chapitres), condition évidente que je connaissais depuis le début mais n’avait pas l’autodiscipline pour l’appliquer, là encore il suffisait qu’une autorité masculine me le dise ; toutes ces choses que je sais que je devrais faire, au fond, I’m craving que quelqu’un me le dise, c’est comme le flic dans l’état de NYC qui m’a dit de conduire plus lentement m’a ainsi permis (au sens de : rendre possible) de le faire. Jocelyn Benoist m’a autorisé à lire la fin des chapitres en rêve !! youhoo ! Et ensuite, dans le rêve, on partait (il devait partir et je le poursuivais/suivais, je crois) sur un ponton flottant sur une mer agitée, ou une barque, un peu dangereux. Et après je me trouvais avec les amies du collège dans un hall de colonie de vacances (de tournée) avant le grand départ du retour dans les maisons, et personne ne m’aimait trop (typique des rêves paranoïaques récurents), je me sentais trop honteuse et pas bien, et je me changeais et le DG arrivait et j’étais en culotte et je cachais mes seins, et je me disais « mon dieu mais ça n’arrive que dans les rêves ce genre de situation horrible où on est tout nu en public, comment ça se fait que ça m’arrive en vrai !? » et HEUREUSEMENT ma coloc a passé la tête par la porte et m’a réveillée avec un grand sourire. Tout ça, quoi… c’est bizarre, quand même.
J’ai hâte de voir à quoi ressemble le vrai Jocelyn Benoist. -
Gare de l'Est
Paris again et définitivement, ça va, hier drôle de journée où j’étais assez contente et tout d’un coup tout (cet élan toujours un peu excessif que je ressens souvent, et qui est à la limite…) s’est converti en tristesse très profonde, peut-être j’avais rêvé de papa (malade et innocent, comme toujours ces derniers temps, et on pouvait y faire quelque chose ! pour m’en souvenir : il était tout gonflé d’air), peut-être Johnny est amoureux, peut-être que ça m’épuise au fond d’être super-cool avec des gens que je ne connais pas et surtout qui ne me connaissent pas, c’est étrange parce que ça ne me coûte pas du tout, cette espèce d’inconscience, ça a l’air d’être un mode d’être qui m’est également propre et naturel, une passade j’imagine, alors pour quoi, assise devant la Gare de l’Est à attendre, je me suis sentie aussi infiniment seule et absurde ? Il ne m’avait pas délaissée, pourtant, il ne m’avait pas posé un lapin pour une autre, ça ne m’a même pas effleurée le train était en retard c’est évident et pourtant c’est tellement ce qui s’est passé dans mon cœur*. Et M. qui me dit tout à l’heure avec son tact habituel « égoïste ! Tu veux le garder toute pour toi » et c’est tellement faux, je suis très objectivement heureuse, je serais très triste d’ailleurs si la situation était celle-là, mais je ne sais pas pourquoi je ne pouvais pas m’arrêter de pleurer devant cette putain de choucroute –dommage qu’il n’y ait pas eu de camera pour m’attraper en larmes, ridicule en face d’une assiette à moitié pleine et d’une chaise vide et la serveuse qui fait des blagues et me dit « ça va passer (il est parti ? j’enlève l’assiette ? et moi, mouvement de balais de la main entre deux reniflements), reprenez donc du chou, c’est bon pour votre régime ! », très cinématographique.
Après j’erre, je me trouve sur l’esplanade de Beaubourg éclairée par une lumière automnale très douce, j’appelle ma blonde qui n’a pas le temps –ça coupe, d’ailleurs-. Le film de Ken Loach a assis ma journée et achevé de m’essorer. Petite salade, blabla colocatairien –je suis vraiment un boulet, j’ai péroré pendant une demi-heure, beuh- et Soljenitsyne.
*A la réflexion : ici je manque de confort affectif, dit confort incarné par Johnny. D’où mes hoquetements soudains -
Canal de L'Ourcq et perspective sur nos vies
Hier soir le Canal de L'Ourcq était trop beau, tout le monde pique niquait au bord sous la plein lune, et les péniches, et l'air tout doux.
J'avais besoin de lui parler pour lui faire une place dans ce monde, c'est trop important pour moi de ménager un espace de communication avec elle dans ma vie quotidienne sans elle, sinon je suis comme dans un rêve-cauchemar en attente de quelque chose qui n'est pas accompli, la vie parisienne ne peut s'installer sans un quotidien avec elle dedans. Ca me brûle de l'appeler, de lui parler, beaucoup, normalement, naturellement, il me le faut pour que ma vie -n'importe laquelle de mes vies, toutes mes vies- soit réelle. Parce que les choses n'ont pas de sens si elle n'occupe pas sa place, si je ne les lui raconte pas, simplement, si je ne sais pas ce qu'elle fait, parce que sa vie est aussi une perspective (comme une perspective en cinema ou en architecture, une prise de vue quoi) sur ma propre vie dont je ne peux plus me passer, parce que son regard je ne peux plus m'en passer non plus, et son regard sur sa vie à elle je ne peux plus m'en passer non plus, parce que c'est la même chose tout ça. -
Plumed Serpent 2. Personnages et insatisfaction.
Le Plumed Serpent, très inégal, les personnages trop décrits -donc trop extérieurs à nous- on ne sait trop de quel point de vue omniscient, on croit que le personnage principal c’est Kate puis au beau milieu du roman tout d’un coup l’auteur change de protagoniste et pour un chapitre commence à nous décrire le point de vue (la vie intérieure) de Ramon et Cipriano et cela très maladroitement, nous donnant l’impression qu’il opte par paresse pour la solution de dire les choses au lieu de nous les faire comprendre (à travers le regard de Kate ou autre), qu’il nous fait un petit topo parce que ça l’arrange pour plus tard. Mais là je ne vois pas comment ce petit saut en Ramon et Cipriano se justifie dans l’articulation du roman (dans son dynamisme interne), la narration oscille et hésite entre un mode et l’autre, hésite, girouette, et opte toujours pour ce qui est le plus simple (et laisse du coup l lecteur comme 2 ronds de flanc). Si c’est comme ça on n’a pas besoin de le construire, un roman.
Et de toute façon cette mise au point sur Ramon et Cipriano par focalisation interne vient un peu tard, le lecteur s’est déjà fait une impression d’eux à travers Kate, heureusement. Cela par contre, au début, ne nous est pas autorisé pour cette dernière, que l’auteur nous livre toute composée. Au moins, les deux autres on peut les mettre en question nous-mêmes puisqu’’ils nous sont donnés seulement à travers le regard de Kate (et non par une description extérieure), parce que : si ça n’a pas de sens de discuter la description livrée de l’auteur (pour Kate par exemple, donc on prend Kate telle qu’il nous la donne sans aucun jeu ou marge de manoeuvre), on peut le faire ce la perception qu’on a d’un personnage donné à travers le vécu d’un autre personnage. Soit : Ramon et Cipriano apparaissent dans la vie de Kate, que nous suivons, mais à cette perception ils ne se réduisent pas. [alors qu’encore une fois il est presque absurde d’affirmer la transcendance du personnage par rapport à ce que l’auteur nous donne, sauf si l’on a le goût des noumènes] Il y a du jeu entre le regard de Kate et le notre, il y a une possibilité (c’est pour ça que dans Faulkner c’est toujours un personnage qui raconte, comme ça on peut ne pas le croire) ainsi l’auteur nous laisse toute marge de manœuvre, et dieu sait qu’il a découpé le caractère de Kate suffisamment pour que l’on se méfie ou au moins que l’on ait pleine conscience de la relativité de son point de vue. Ce qui est trompeur c’est d’ailleurs qu’on a l’impression qu’il le fait à dessein (expliciter comme ça les biais de Kate) pour que l’on en joue dans notre appréhension des autres personnages/expériences, par exemple le tout début, la présentation de Owen et Villiers tellement caricaturaux dans le regard de l’auteur qui les JUGE ouvertement (qui est celui de Kate également on le sent, même si elle ne se l’explicite pas, l’auteur prend pour lui ce qu’il ne peut lui faire dire parce que c’est trop tôt, et subrepticement il nous incite à prendre parti en donnant une description si caricaturale; mais en même temps il montre Kate sous un jour très « tranché » aussi –pour ne pas être le dit d’avoir pris parti et montrer que c’est son point de vue à lui et qu’il respecte les règles du roman) ; ainsi à la fois : tous les personnages sont égaux sous le regard (et la création) de l’auteur, ainsi, suggérant que c’est le regard de Kate qui sera prégnant mais nous la montrant dans le même temps si caricaturée, il nous enjoint à la circonspection concernant ce qu’elle va juger ou vivre, et nous enjoint par ce fait à l’ouverture.
et parfois ils agissent et on ne nous donne aucun motif, alors certes on se les figure mais comme jusqu'ici tout était fourni là on est pris au dépourvu et on oublie de faire appel à interprétation
ECRIRE CA C’EST COMME SI TU DISAIS QUE FLAUBERT A ECHOUE PARCE QU’IL A ECRIT UN ROMAN TOUT PLAT (alors que c’est ce qu’il a voulu faire)
A lieu de toujours partir de ta propre conception, demande toi un peu pour une fois ce qu’a voulu faire l’auteur et accorde-lui d’emblée un peu de crédit.
Alors : on recommence : qu’a voulu faire Lawrence ?
[moi je crois quand même que ce roman est mal fait –au delà de toutes ces qualités]