Un jour, j'ai poussé la porte où était inscrit : "Diminue la douleur de la distance", et je suis entré dans une salle du palais de la mémoire. Il y avait partout des livres vivants. Entre mille autres de ces livres vivants j'ai choisis d'explorer la douleur de l'abscence d'un être aimé. Il m'est aussitôt apparu que cette douleur était une maladie guérissable. Je me suis aventuré plus avant dans la salle. Entre mille autres voix, j'ai entendu ceci : "Plutôt que de t'enfermer dans le chagrin ou l'indifférence, cultive les sensations que l'être aimé a laissé en toi, redonne vie, dans tes dedans, à la tendresse, à la douceur. Si tu revivifies ces instants de bonheur passés, si tu les aides à pousser, à s'épanouir, à envahir ton être, la distance peu à peu se réduira, la douleur peu à peu s'estompera. Tu peux recréer ce que l'oubli a usé."
Henri Gougaud
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le cri de la mort qui tue
Je voulais juste vous dire que j'ai une douleur infinie pour la mort de papa, que je trouve la vie impossible si des choses comme ça peuvent arriver, que je ne comprends pas comment la vie peut continuer après, comment j'ose continuer ma vie comme je le fais, que je trouve ça d'un tragique indicible, avec une suite impossible, ou plutôt que je trouve ça impossible que ce tragique n'ait PAS DE SUITE comme il n'en a pas , il n'y a personne, personne qui me le dit dans ma vie moi, que c'est INSUPPORTABLE que papa soit mort comme il est mort avec nous si désarmés devant tout ça pendant tant d'années, c'est cette impuissance qui me fend le coeur, comment peut-on laisser des choses pareilles arriver, et essayer de toutes ses forces de lutter contre mais personne ne peut rien et la tragédie arrive, pour tout le monde, et après le silence, comment est-ce possible? Après ça, il ne nous reste que nous même. C'est monstrueux, injuste, contre nature, il ne devrait jamais rester à personne que soi-même. Et on ne devrait jamais mourrir tout seul, et on ne devrait jamais laisser les autres comme ça désarmés. Et on a pour toujours cette impuissance devant l'absence de suite, parce que la mort n'a pas de suite et on est tout seul avec. C'est dégueulasse.
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le plus beau cadeau
C'est tellement, tellement bon que tu me parles. Ce n'est pas arrivé depuis des années, enfin. J'ai besoin qu'on me parle de sa mort, à mon père, maladivement besoin. Il n'y a personne, personne qui s'en souvienne et qui me le rappelle. Tout le monde me laisse oublier ma douleur, cette douleur insoutenable, impossible, probablement inaudible. Il faut la dire, pourtant, il faut se la rappeler, et la partager, il faut que je la partage, elle meurt, là au fond de moi, de l'oubli, mais elle est brûlante, et tu sais PERSONNE ne s'en souviens, personne n'y pense ou ne me le rappelle, ni ne m'en parle, et c'est tellement merveilleux que tu t'en souviennes et y pense.
et la vie me semble tellement impossible maintenant, sur des fondations pareilles, comment puis-je oser vivre de cette manière, vivre tout court en oubliant toute ma vie d'avant? Comment est-ce que j'ose faire ça? Mais qui suis-je donc?
Chérie, ce soir c'est un des plus beaux cadeaux que l'on m'ait jamais fait que tu me fais là. Tu me parles de mon père, de mon ancien moi, de ma douleur, et en faisant ça tu me rassembles (ça fait mal). Tu me fais penser que je ne pourrai jamais aimer quelqu'un qui ne pourrait pas faire ça. -
Tout de même du dicible
Il y a le bout de la rue où on ne voit rien, je sens que je pourrais voler. Tous mes problèmes de l'amérique du nord se résument à ça.
Il y a tout de même des choses qui existent vraiment, des habitants. -
griffes
je n'ai pas eu de fesses en main depuis que j'ai des griffes
fesses de jeunes hommes tout du moins
et pour les fesses des jeunes filles j'ai coupé mes ongles
pour les fesses des jeunes filles j'ai coupé mes ongles -
jungle
Oli dit que ma vie interieure a l'air d'une jungle avec plein de bêtes bizarres et de plantes foisonnantes.
Mais il dit aussi que j'ai l'air zen, alors...
Le poète que j'ai été voir aujourd'hui ne pouvait qu'écrire sur lui et avait un air ed paranoïaque narcissique insupportable, ça m'a fait sentir gluante de narcissisme moi-même d'avoir envie même d'écrire des trucs des fois, et assez honteuse (je le suis déjà) d'avoir du mal à écrire sur autre chose que sur moi. Je le sais, que je n'ai aucune créativité. Doit-on s'arrêter de penser pour autant, arrêter de sortir dans la rue? Je le sais, que c'est la honte. Mais il faut bien vivre avec! Après c'était très étrange, pour le poète, parce que dès qu'il parlait d'autre chose que de lui et de l'écriture, son visage devenait tout vivant et naturel et il devenait très rigolo et sympathique. Elles étaient drôle, ses anecdotes.
Mais je me traîne la honte, depuis... -
LE TEXTE (Verrière)
Je me tiens debout sur un escalier mécanique arrêté, immobile juste au milieu, lui-même au milieu d’une verrière comme celle tubulaire, d’un aéroport, mais qui ne monte vers rien, nulle part, droit au ciel. Elle est plantée inopinément dans le sol comme le corps brisé d’un avion tombé. Elle a quelque chose de moussu, quelque chose de ruinu d’une épave dans un arbre. D’un vaisseau-bulle posé sur une planète mystérieuse, aussi.
Cet extérieur est la première chose qui m’est donnée et me frappe. Je le perçois d’un coup d’œil dans son ensemble, en une sensation j’ai tout saisi : le désordre d’arbres et de mousse centenaire, l’absence d’actualité, de vie, l’odeur de renfermé qui règne dans cette nature qui n’est plus pour personne. Je vois qu’elle croule, se détériore. Je vois qu’elle a toujours été croulante puisque jamais pour personne. Je me dis comme si Dieu l’avait créé trop tôt et à moitié, la laissant perdue dans les limbes du sens. Mais c’est une pourriture sereine aussi. Tout ce temps finalement n’a pas existé, n’a pas compté. Le temps vient d’apparaître. Ce décor qui hiberne et dégénère en silence m’attendait.
Comme une bête adhère au réel j’adhère au lieu dans sa totalité en une seule fois. En une seconde (celle qui précède juste mon apparition, ai-je l’impression) je comprends tout. Mais le lieu sans moi : il n’y a pas encore de moi. Son sens universel. C’est moi, mais je ne le suis pas encore, je le sens sans l’être.
Simultanément (puisqu’il s’agit d’un coup d’œil qui n’occupe pas de temps) moi : je suis là, comme téléportée, apparue adulte, le temps naît en même temps que moi. Je me secoue un peu (je sens bien que de l’extérieur -apparaît ma conscience de l’intérieur/extérieur- je reste de pierre, trop occupée tournée dedans). Spectatrice hébétée devant mes souvenirs qui se constituent en même temps que le temps se déroule pour moi : dans les deux sens. Je sens la vie, je ne fais rien, tout un monde, toute une vie se créent en moi. Je ne peux naturellement pas agir, je ne fais pas encore la distinction. Je nais, et pourtant je suis là pour voir ça. Je n’ai pas d’histoire, j’ai des outils mais pas d’histoire. J’attends. Je regarde dedans ce qui émerge. Le temps sort tout orné comme le contenu d’un boyau.
Mes souvenirs se constituent petit à petit, ils s’affectent pour que je comprenne. Je deviens une personne et plus seulement une conscience. Il y a une fraction de seconde encore je percevais l’étrangeté du décor pour elle-même, pleinement mais pas pour moi, non, du point de vue de Dieu, du Temps, je ressentais son drame cosmique. Maintenant, j’y suis, j’y nais, oh ! L’universalité de mon regard se perd, s’estompe, m’échappe et s’oublie… Je nais et je perds tout. La vie… Ce que j’ai entrevu, est-ce l’en dehors ? L’essence, si triste dans son éternelle dégénérescence insensée ? D’une tristesse infinie. La vie dans l’absence, dans l’oubli. La Création dans l’absence de vie. Je perds et je raisonne à rebours. Avec la vie le cheminement de la pensée, la perspective. Regarde, je le sais ! C’est avec moi que le temps et la vie sont nés.
Ma perception nait réversible. La petite peau, fine, collante et douloureuse est aussi sensible du dedans que du dehors. Tout se confond en chaos de perceptions. A rebours c’est encore plus intense, d’autant que le présent ne concède rien. Mais il n’y a pas de lutte : une acuité infinie simplement s’impose. Chaque perception apparaît, se difracte, passe et trace, et moi je suis. Le rôle de chacune est considérable. Le poids du tout ainsi démultiplié me paralyse : je suis toute prise dans l’intensité de l’attention qu’il faut soutenir. Comment vivre un évènement tel que celui de la fondation ? Comment lui rendre ce qui lui revient, c'est-à-dire le vivre justement ? Il se présente comme un tout mais il faut bien le difracter avec du temps sinon on ne voit rien. Car je suis une bête qui adhère à elle-même, et c’est la manière juste de traverser honnêtement sa propre fondation. Toute vivante.
Seulement… c’est trop tard, je suis née quelques centièmes trop tard, j’ai vu, même si j’oublie, quelque chose me chiffonne. Je sais que ce qui n’avait pas de sens (ou de sens pour personne) prend sens maintenant. Je sais que ne suis pas là pour rien mais pour donner le sens. Ne pas être là pour rien, autrement dit, pour soi ! J’oscille maintenant entre ma propre grandeur (si j’accepte l’oubli) et ma conscience atroce de la partie qui se joue avec moi.
C’est injuste. Avec l’apparition du sens apparaît la directionalité, la partialité, la selectivité, la tension, la perspective, le point de vue. Et la en même temps qu’on me donne de m’émerveiller devant moi, en même temps qu’on me donne tout avec l’existence, m’est donnée la supraconscience terrible : ce n’est que le contexte du drame qui s’échafaude. C’est l’action, c’est elle qui me prépare. Je n’aurai droit qu’à une section de souvenirs, qu’à une portion de vie et de sens, celle réclamée par les heures qui vont suivre. Pourtant je ne sais rien d’une partie, je suis le noyau unique et universel. Pourtant la vie toujours partielle.
Toujours immobile je me sens mal, j’ai le pressentiment de l’anormalité de la situation, je l’éprouve avec l’intensité d’un coup de fouet dans le noir, et parce que ma vie s’étoffe tellement vite je pressens aussi que cette vitesse est dans le but de me faire oublier instantanément leur origine (ma nature) contre-nature. Et je suis là, paralysée sur cet escalier immobile, paralysée devant la simultanéité de mes perceptions et de ma propre constitution. Les premières devancent légèrement la seconde. -
parti
M. parti me voilà libre. mais trop fatiguée. A suivre
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God in Montreal
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ver
Je peux être une tête de pioche quand je veux, me fermer comme une huître. C'est parce que je suis toute coquille-cassée ces temps-ci. Hier soir V. est venu souper avec nous ou me ramasser saoule à la porte d'entrée j'ai eu du mal à ne pas m'effondrer. Ce soir encore je ne sais pas comment je vais pouvoir passer le seuil de la porte avant d'avoir bu un coup. V. si simple et si adulte, si salvateur et fantasque, si dépaysant la réalité qu'on a le goût d'y rester. J'ai détesté mon attitude, incapable de ne pas me réfugier dans le refuge, incapable de rester dans l'alcool brulant et d'assumer mon dépit. Incapable de faire le joint entre les deux, si différents! Mon essence de joint a disparu. M. a dû passer un sale quart d'heure.
Non, je ne peux pas simplement suivre à la trace les émanations les plus fruitées de mon futur proche comme on me l'avait dit. Parce que j'ai des tensions internes immenses, je peux devenir ça ou je peux devenir ça. Mais c'est parce que je suis rongée par le doute, petite coquille-cassée, comme une termitière. Alors je noie tout ça, dans ce pays oû tout coule à flots, c'est bien normal de combler le vide (mais une termitière ça pisse comme une passoire et le scotch ne scotche rien).
Au moins les coups de telephone extraordinairement sans rapport du travail sont là: "allo mademoiselle, qui est Dieu?" Alors moi je suis la gentille réceptioniste et je vais chercher sur google.
Mais, criss, ça me détend même pas.
Il y a le ver du doute qui se promène dans ma poitrine et dans mon ventre.
J'aurais besoin d'aide, mais le ver est là aussi.
bientôt je ferai voler tout ça comme un cerf-volant! -
l'évènement ontologique n'est pas celui que j'attendais
Tout s'est reviré de bord maintenant que M. est là, est arrivé me disant qu'il est amoureux. Je le crois. Mon mariage s'effondre. Mon back up s'effondre, je retrouve de vieux reflexes, je bois comme un trou et je vis ma journée comme des coups de battes successifs, je l'oublie (et me ressouviens tout le temps), j'ai du mal à enregistrer l'info. Mon orgueil va mal. Il m'a donc refusée toujours pour me refuser toujours et pas pour m'accepter un jour. Le poisson ne se met JAMAIS à désirer son eau, j'aurais dû le savoir, depuis 4 ans. Je vais tomber dans le coma d'insécurité. Une des ficelles qui me tient en suspend dans ce vide a lâché, c'est très violent, il n'y en a pas tant que ça. Je me balance, j'ai peur, mon estomac est dans un état de montagnes russes.
il y a d'autres réflexion, je prendrai le temps quand je serai moins saoule tout le temps. -
ficelles
Il y a un genre d'éclatement d'effondrement c'est comme si...
tu sais, moi je me tiens dans l'espace et le temps grâce à des ficelles qui disparaissent là haut, me tiennent depuis toujours alors je les oublie, ou je les aime comme une partie de moi, tendues, rêches, organiques et sédimentées, ce sont d'aigres et secs boyaux ancrés au fond de mes plis, solides, durs, et polis comme des ongles.
Alors quand ça casse avec un bruit de coup de feu je ne comprends rien, ultra tendu le nerf flotte déjà en l'air, il n'y a qu'une balafre, un reste de douleur, un echo. Il y a quelqu'un qui descend d'un niveau, d'une secousse, qui perd un de ses fils. Et si je tente avec une hébétude de singe de joindre les deux bouts, je tire je tire et, me questionnant sur un morceau manquant, je doute qu'ils aient été un jour unis.
Alors moi tu sais je vis comme ça depuis la nuit des temps, au dessus du néant suspendue par le dos (et non plus par des hameçons dans le ventre) par un très petit nombre de ficelles velues et cornues. Elle doivent résister au temps comme aux intempéries, à toutes les épreuves.
Mais rien n'est à toute épreuve! -
les livres
je te laisse à tes livres, mais fais rappelle-toi, un livre ça fait le malin, ça te nargue avec des phrases intelligentes, mais au final c'est toi qui décides quand est-ce qu'il doit parler et quand est-ce qu'il doit fermer sa gueule., me dit H.qui me parle de réel, de terre, d'archi et de travail.
NON définitivement, j'ai vendu mon âme et cette phrase ne s'est jamais trouvée aussi fausse. Je ne peux pas rester en vita activa. Toute penaude je rentre à la vita contemplativa. Vendu mon âme à l'université et au statut d'éternel thésarde fauchée: il ne peut en être autrement. C'est l'unique pacte qui ne dédit pas ma nature.
Quand à l'âne catalan (symbôle d'humilité et de travail me dit-il), c'est admirable de pouvoir être dans la réalité comme ça (comme une âne) mais moi je ne peux pas, et Saint augustin (qu'il prend comme exemple de l'humilité) était un grand esthète édoniste mégalo et corrompu avant de devenir un grand chrétien angoissé tout aussi égocentré. Ne se fait pas âne qui veut!
Pis les livres, non! Ils ne se taisent pas, les p'tits ostie, quand on les ferme! Ils font tout voir à travers ce qu'on voit normalement. Ils me chuchottent dans mon bureau, jusque dans mon étude sur les financement publics. Enfer et damnation. En tout cas l'air de Barcelone a l'air crissement saint, enfin, saint, pas transcendant évidemment, plutôt les pieds sur terre. Ici y a pas de terre juste du blanc et du bleu alors c'est dur d'être sur terre, on n'y est pas, c'est pas la terre ici.
Tout ceci trouve cependant son explication dans une virée à NYC tout ce qu'il y a de plus incarnée avec ma belle américaine, décoiffant (qq dreads sont apparus). Extraordinaire et merveilleuse elle est, cette fille, je l'aime. Voilà! -
Quebec-oli
Week-end à Québec infiniment détendu flottant et magique, mais pas magique mystique, magique réel, promenée par l’ami Oli depuis son appart perché dans cette rue étrange au bout du quartier (on dirait le bout tout court pourtant c’est bohème parait-il), coloré avec vue sur la basse ville et ses lumières la nuit, et toutes les collines enneigées au fond le jour, chaleureux et plein de livres à l'ombre desquels j'ai dormi sur le divan de velours tout mou face au soleil couchant. J'ai si peu dormi tellement je voulais savoir ce qu'il y avait dans tous les livres ! Ou tellement j'étais jalouse de lire dans la couverture de chacun d'eux "Olivier, lu au printemps 2002" ou autre, bref il avait tout lu. Je me suis endormie à 4h, presque angoissée tellement il me tardait.
J'ai encore pris l'autobus américain qui va loin et part la nuit, douillet, moi j'y suis toujours comme en transe poétique et tout défile dehors et en dedans de moi super vite mais très détaillé comme au ralenti, je ne m'explique rien mais je vois les choses du dedans, et le bus, donc, s'éloigne de ma belle ville d'adoption et de ses gratte-ciels qui ne grattent pas haut et qui me font éprouver de la tendresse encore plus, je suis posée immobile toute molle très lourde sur mon siège, hypnotisée par le dehors, la perspective, les lumières, les ponts, le fait de rouler (le temps file), de partir et de réaliser que j'habite ici, alors en même temps toute tournée vers le dedans (où le temps…), ce que ça fait d'habiter ici, ce qu'il se passe, c'est quoi ma vie merveilleuse (merveilleuse pourquoi ?? d’où ?? Je travaille et…pourtant !), tout se déploie se déplie et c'est génial, tout devient accessible en même temps alors que je n'ai jamais le temps, la vie de faire autre chose que la vivre mais j'ai toujours le pressentiment que je l'aimerais ma vie si j’avais du temps de rétrospection, et ce pressentiment me suffit et c’est ça, c’est le pressentiment que c’est ça le bonheur. Besoin de rien de plus qu’un sentiment qui traverse le fond. Et là tout LE sens et celui de toutes les petites choses tourne autour de moi en dedans et pourtant il s’agit de moi et pas des choses, je vois pleins de couleurs intenses, c'est comme un grand tapis la vie, et il s’agit toujours de moi mais je m’y oublie pourtant les yeux écarquillés. Je suis un peu étourdie, le temps…boaf…
Nous on a une montagne au milieu de la ville au moins (je repense aux gratte-ciel de 40 étages pourtant très fiers), et plusieurs îles autour, c'est joli de prendre tous les ponts dans la nuit, et vers le nord je ne l'avais encore jamais fait, toute une perspective nouvelle par la grande vitre. Je me dis : le même stupide sentiment de liberté que quand je vais à Langon en train, ridiculement pas loin mais pourtant c'est comme un voyage. Québec, c'est le bled, mais pourtant y partir de nuit sans l’avoir prévu ni savoir trop ce qu'on va y faire, c'est comme le Pérou. En plus dans l'enclave bizarroïde qu'est devenu un week-end pour qui travaille à plein temps et vient de sortir du bureau, c'est une vrai faille temporelle.
Oli m'accueille comme une reine c'est à dire comme chez moi, parce qu'il n'y a pas d’enjeu ni de pression à notre rencontre, il est aussi détendu que moi, on parle non-stop très calmement et doucement au rythme de la marche pendant 2 jours. On petit déjeune tard dans le salon ensoleillé (les bibliothèques ne font de l'ombre que la nuit) et on cuisine des lasagnes (surtout lui, moi je bois le vin). Le dimanche je me laisse conduire à l'érablière manger saucisses et crêpes au sirop, "all you can eat" they say, et ensuite on marche toute la journée sans horaire dans le bois, le long du fleuve, sur la glace, il faisait doux, on était libre d'aller où on voulait avec l'auto. Je vous écris aussi pour dire que je vais hyper bien, et redire que je jure fidélité à l'université, la pensée, la poésie et l'amour (l'ordre est évidemment modulable).
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ovni
Pancakes? ou les meringues de mon frêre...
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rumba
Je la vois assise à l'une des tables rondes, un peu mélangées après la fin de la pièce montée. Il y a des chaises vides et des petits groupes, des jeunes debout autour des vieux assis. Les cols sont relâchés, les voix confiantes, les portes qui donnent dans le parc grand ouvertes. Il y a des petits groupes, du brouhaha, de la circulation. Je suis probablement sur la piste de danse, occupée à optimiser mon bonheur comme d’habitude. Elle entre dans la salle, ou elle est dans la salle et je la vois. Elle est en blanc, avec une robe bustier. Elle parle avec des gens (assise) en me regardant du coin de l’oeil, ou alors elle me fixe debout à travers la foule. Je ne sais, ça dépend de la réalité de sa présence (si elle est là naturellement c’est qu’elle est là, si elle est venue pour l’évènement ontologique c’est que je l’invente).
Je la vois et sais que c’est la fin : elle est le symbole, elle est le moment, le signe. Je me fige, c'est la fin de mon sursis, et même si c'était prévisible, à l’échelle d’une vie on ne sait quand ça va arriver, ça a l’air l’infini. Je sais alors (mais je le savais au fond) qu’avec tous c’est la dernière fois, moi incapable trop incapable depuis toujours de faire un choix, incapable de tout faire cesser à cause de la vie merveilleuse et tragique (argument de poids), il fallait pourtant que tout cesse, ne serais-ce que par pudeur. Alors l’orchestre joue une rumba. Alors avec chacun d’eux je danse une danse tragique, je danse la dernière en oubliant en un instant la précédente et le précédent. A l’image de tout, du reste. Est-elle entrée ou était-elle déjà là ?
Ca ne fait plus de différence, le vécu est vécu. Je parcours la salle du regard, et je vois que tous ils étaient là pour voir ma chute, mon choix, mon désaveu, ma négation de la nature, mon parjure.
Alors je regarderai par la fenêtre et tout me semblera coloré, intense merveilleux. Je penserai à mon père, je penserai à mon destin, à mon histoire, à ma victoire, j’aurai foi dans la race humaine et dans l’amour. J’aurai un sentiment d’absurdité qui rachète tout. J’aurai l’impression d’avoir tout vécu. J’aurai l’impression que ça ne va jamais terminer. -
l'oreille cassée
Je vois ce que ça fait, l'hiver. On ne se rend pas compte, la couleur disparait petit à petit et surtout ne revient pas. Ou plutôt elle fait croire qu'elle est là, car c'est tellement un fade away qu'on ne s'en rend pas compte... Seulement parfois: "c'est hallucinant comme cette ville est grise, tout est couvert d'une fine poussière blanche, granite, calcaire, neige, givre... Tout est pâli. Pâle sale." Et demain, je ressors dans l'air frais, et je suis à nouveau toute contente, mais contente par illusion, parce que mon échelle de couleurs a changé faibli pâli elle-même et j'en vois, des couleurs.
V. me dit qu'après la soirée VIP gala jet set squatée et consommée par nous ronds comme de queues de pelles, il s'est réveillé le lendemain dans un appart inconnu, allongé dans un lit pas défait. Ce ne doit pas être avec moi qu'il a pris la dernière bière. Mais moi, je me souviens déjà si peu de mon dernier verre. Du bol de la toilette à la rigueur (pas vraiment non plus). J'avais même laissé la porte d'entrée battre à tous vents.
Mamie et maman m'appellent au bureau..."réception bonjour" ...dzzz...ça sent l'international..."c'est mamie" "pardon?" "c'est mamie", hyper drôle. Le directeur général est dans ma poche, il m'appelle tout le temps pour me dire que je n'aurai pas de vancances... ils ont donc une conscience! Dommage qu'ils ne la soulagent pas. Je veux pouvoir aller faire de l'escalade en Virginie. Je ne sais pas pourquoi tout d'un coup je parle de faits, personne n'a cette adresse. C'est que je ne peux plus penser. Mon mal d'amour ne guérit pas, guérit pas, guérit pas... et musique à l'oreille s'est cassée. Je ne peux plus prendre l'autobus pour un nuage...mon mal d'amour ne guérit pas. Qu'est ce que je vais faire.
Je sens mon poids sur le coeur, immense. Mais je le sens moins que la semaine dernière. Tout ça est devenu très réel et s'est transformé en simple désir constant de saisir le téléphone.
Crim'! Je sens mon poids sur le coeur, immense!