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  • renversement

    Ecoute: par deux fois, ce dernier mois, cette pensée t'es apparue (like a shock in the back).
    La mystique du "feeling Jésus" n'est que le renversement de ta mystique (qui ne l'était pas, transcendante, qui était immanence pure) damnation d'il y a quelques années. Tu sais bien à l'époque, ce qui te drivait: tu étais élue pour souffrir et mourrir, ridiculement, par le sang, par le destin, par whatever. Maintenant "Jésus" est ce sentiment d'être bien au delà/au dessus, pour sauver et vivre.

    Donc: l'essence, ce qui est en jeu, est la même: moi. Plat shema psychologique binaire. Tu ne prends pas part normalement à l'existence normale, tu trouves un moyen pour t'en exclure pour raison d'essence. Le drame est toujours là (bien que tu n'en souffres pas vraiment, puisque tu voles): en tant que Jésus, tu donnes mais ne peux partager, c'est à dire ne peux recevoir. Tu n'en souffres pas parce que tu es pleine, c'est un drame en soi dont tu es consciente, mais sans en souffrir parce que ce n'est pas ta "fonction", ça ne manque pas à ta nature. Bref ce n'est qu'une histoire de mauvais conscience. Le résultat, qui me rend perplexe mais très abstraitement aussi: tu es absolument seule (et Dogville...). Tu aimes tout le monde mais personne, tout le monde t'aime mais parce qu'il faut qu'il en soit ainsi (et non pas: pour toi-même).Tu es seule, tu ne peux pas vivre la game parce que tu la vois, et tu te situes ailleurs.

    Tout ça, comme le dit maman, est donc absolument d'ordre psychologique, et mérite d'être opéré (fais-toi opérer de ta mystique, a dit Matthieu). Je dois donc partir me faire soigner.

  • pbs de morale

    Je suis quelqu'un qui dit n'importe quoi depuis le début: je suis la même personne (il n'y a pas de révolutions).

    Aujourd'hui mon collègue et ami mexicain au café m'a dit pour la millième fois que j'étais "cold, but (cette fois) in a funny way". Mais aussi l’américain génial, m'a dit en français " et toi tu es cette femme très intelligente qui pour quelque raison (some reason) fait la plonge Chez Josée. It's just perfect." C'est drôle, c'est rare que les gens disent des trucs en face aux autres sur eux, moi ça m'arrive jamais (il parait que pourtant les femmes attendent çà, qu’on leur parle d’elles…) d'autant que c'était parfaitement injustifié, et là deux fois dans la journée... Mais aux deux réflexions (qui sont la même) j'ai répondu des absurdités (j’ai plutôt bafouillé). Les deux sont fausses anyways (except the "no reason" thing).

    Ces dernières semaines ont été très chargées, difficile d’en rendre compte. Je me suis disputée avec ma bonne amie à cause d'un malentendu que je n'ai pas vu parce que ma certitude de voir le bien et le mal et d'agir de manière juste m'a rendue aveugle à sa réaction. She completely mesinterpreted what I said, what I did, my whole attitude, whitch was nonetheless right. And I was so confident in the fact that I was being moral that I could not see things from her point of view, from a psychologic point a view. And it is totally a different thing. I didn't realize that until now. That moral excludes psychology. And de facto we live in a psychologic determined world. Je veux dire que je peux agir aussi moralement que je veux, si les autres ne perçoivent pas les actes en termes de motifs moraux ils vont juste les mesurer à une aune totalement différente, et me prêter des intentions très différente que celles que j'ai eues. Or ce sont les intentions qui comptent (je le pense maintenant entièrement, il faut s'efforcer de voir à travers l'autre ses intentions. Ce sont les animaux qui ne le font pas, qui ne voient que les résultats. C'est ça l'essence de la communication. C'est un devoir, si on est humain. Ca vaut pour les actes pareil et surtout.).

    Mais ça suppose une certaine confiance dans le fait que les autres ont les outils pour comprendre proprement mes motifs. Et que faire si oui, les autres interprètent (pas surinterprètent, juste restituent leur sens aux phrases dites, or leur sens...), mais ne se situent pas sur le même niveau? Et pourtant il faut admettre ce qu'ils comprennent comme ce que j’ai dit. Et c'est le plus terrible, oui, parce que ces choses qu'on te renvoie transfigurées à travers un regard unexpected tu les as dites, elles sont de toi, tu en es responsable c'est tout. Comment se décharger en appelant ça un "malentendu"? Quand on parle à quelqu'un, quand on agit tout court, on assume déjà toutes les interprétations --si elles ne sont qu'interprétations et pas déformation-- qui peuvent en être faites. Alors j'assume ma rixe avec mon amie.

    C'est cependant horrible, en fait je ne l’assume pas du tout. Fuck. Ca revient à l’expérience mystique de la serveuse : que le monde dans lequel je vis pour de vrai ne s'exerce pas dans le même système de valeur que celui dans lequel j'évolue, ais-je beau penser que c'est le plus élevé. Et dans cet ordre d'idée j'ai tort. La morale doit plier devant les facteurs psychologiques et les déterminismes sociaux, parce que de toute façon elle reste inintelligible, et en tout cas fatalement interprétée selon des motif psychologiques et sociaux qui la travestissent (l'abusent) entièrement. Je suis révoltée et affligée de cette fatalité. Car du coup en ce monde je m'abuse, je suis aveugle.

  • Moi (M.Tsvetaieva)

    Moi, tellement vivante et vraie sur le sol caressant.
    —A tous— puis-je scinder, dans mon outrance, en miens et étrangers ?
    Je vous demande une pleine confiance, je vous prie de m’aimer.

    De jour, de nuit, par oral ou écrit : pour mes « oui », « non » cinglants,
    Pour être si souvent beaucoup trop triste, et n’avoir que vingt ans,

    Pour mon pardon certain des offenses passées,
    Pour mon incontenable et immense tendresse,
    Pour mon trop fier aspect,

    Pour la vitesse folle des temps forts, pour mon jeu, pour mon vrai,
    — Ecoutez-moi !— il faut m’aimer encore
    Du fait que je mourrai.

    Marina Tsvetaeva, 8 dec. 1913.

  • solipsisme

    Si seulement je pouvais le voir, je veux dire, tout écrit dans le ciel, dans le marbre, et pas seulement en ressentir la bizarrerie sans la voir, je suis comme une aveugle infiniment intuitive, une aveugle révélée, révélée de la totalité du monde dans son ensemble (le pléonasme est nécessaire), mais ô frustration suprême, cette révélation n’est pas vision, elle ne pallie donc pas à ma cécité, et me laisse clairvoyante mais aveugle, infiniment impuissante…
    Je peux dire, mais mal, communiquer mais toujours par des moyens détournés, le langage…
    Ou agir selon ce que je vis comme monde en dedans pour le faire deviner, en creux (dans le creux de mon comportement) aux gens ? Mais non, justement, ça ne se livre pas d’un coup d’œil (=instant, Augenblick), la totalité du monde dans son ensemble car dans la vie normale on est tributaire de la temporalité, du déroulement.

    Elle est née aveugle. Mais à quatorze ans elle s’est rendue compte qu’elle recelait la totalité du monde.
    Maintenant lorsqu’on lui demande : de quel monde s’agit-il ?
    Elle peut répondre :le monde est celui du gardien du monde. Celui qui voit n’a que le privilège de l’espace-temps (du déroulement et du mouvement). Il peut agir et progresser. Mais celui qui ne voit pas réalise pleinement l’essence du gardien. Il est la garantie de l'existence du monde: il garde tout. Je suis le gardien de mon monde, qui garantit l’existence de ton monde.

    Elle est comme une héroïne épique qui est rentrée chez elle depuis dix ou quinze ans. Elle est clairvoyante mais elle a des regrets (ou : mais elle le regrette).

    Il aurait pu en être radicalement autrement si elle n’avait pas été éduquée à toujours sortir plus riche de n’importe quelle expérience. Elle ne l’a donc pas décidé, elle était inconsciente jusqu’à maintenant. C’est le décalage d’avec la manière dont les autres vivent leurs expériences qui lui a mis la puce à l’oreille. Eux, ils vivent mais se réveillent tous les matins avec la même innocence. Elle, entre sa première et sa quatorzième année, a tellement expérimenté (pas compris ou conçu) le rayon de possible qui auréole chaque atome d’expérience, qu’elle se trouve maintenant à avoir expérimenté toutes les significations possibles (qui se recoupent souvent pour un même moi). Elle réalise qu’il n’est finalement besoin que d’un assez petit nombre d’expériences, l’essentiel étant d’en extirper absolument toute la possibilité.
    Une fille qui a quatorze ans et qui a vécu toutes les expériences en une.
    Elle est aveugle parce qu’il faut qu’elle n’ait pas le monde qui se déroule devant ses yeux. C’est le seul moyen pour que sa seule expérience du monde possible soit une expérience de sa totalité.
    Elle essaie, impossiblement avec des mots, de faire comprendre aux gens que toute expérience peut être n’importe quelle expérience/renferme toutes les expériences.
    [Si elle voit un diable sur le lit, alors il y a un diable sur le lit]


    Finalement il s’agit d’un subjectivisme monadique immense. Tu es complètement attardée. Tu oses prétendre que l’essentiel de l’existence se résume à un déploiement* ?

    *Si on recèle la totalité du monde…il ne s’agit plus que de réminiscence et de mise en acte…déterminisme. Non, destin. Non, sens.

    En tout cas, ce qu’il faut retenir pour l’inventaire de ta névrose : tu dis que l’expérience n’a aucune importance en elle-même, rien ne t’es apporté de l’extérieur !
    Mais si : tu dis que c’est au contraire de tirer tout ce que tu peux d’une expérience = ce qu’on appelle la vivre pleinement. Elle a donc une valeur immense.
    Je ne sais pas.

  • Ma mère et la musique

    Oh que ma mère était pressée : le notes, les lettre, les Ondines, Jane Eyre, Anton Goremyka, le mépris de la douleur physique, Napoléon à Sainte-Hélène, seul contre tous, seul —sans personne, comme si elle savait qu’elle n’aurait pas le temps, que de toutes façons elle n’aurait pas le temps pour tout, que de toutes façons elle n’aurait le temps pour rien ; alors voilà, il fallait au moins cela et encore juste cela et encore cela, et cela aussi… Afin que nous ayons ce qu’il faut pour l’évoquer ! Afin de nous nourrir une fois pour toute dans la vie. De sa première à sa dernière minute, elle n’a cessé de donner, de nous gaver, sans rien laisser reposer ni se tasser (sans nous laisser nous apaiser), elle nous a inondées, remplies à ras bord —impression sur impression et souvenir sur souvenir —comme on bourre une malle déjà trop pleine (la malle s’avèrera être sans fond, du reste), sans y prendre garde ou exprès ? Enfonçant au plus profond le plus précieux afin qu’il se conserve plus longtemps loin des yeux, en réserve, pour la dernière extrémité, lorsque « tout a été vendu » et qu’à la recherche de quelque chose encore, on fait un dernier plongeon dans la malle et là, il y a encore —tout. Afin qu’à la dernière minute, le fond offre tout de lui-même (ô inépuisable fond de malle de ma mère, offrande incessante !). Ma mère semblait s’enterrer vivante à l’intérieur de nous, pour l’éternité. En nous elle donnait un corps aux choses invisibles et impondérables, chassant ainsi à jamais hors de nous tout ce qui est visible et pesant. Quel bonheur que tout ceci ait été non science mais Lyrisme, ce dont il n’y a jamais assez et à ce double titre : comme l’affamé qui n’a jamais assez de tout le pain de l’univers et comme dans le monde il n’y a jamais assez de radium ; c’est ce qui est par nature manque de tout, manque de soi, et qui pour cette seule raison cherche toujours à saisir les étoiles — ce dont il ne peut jamais y avoir en trop, parce qu’il est en lui-même trop, parce qu’il est en lui-même trop, tout le trop-plein de douleur et de force, trop-plein de force s’en allant en douleur qui remue les montagnes.
    Ce n’était pas une éducation, c’était une mise à l’épreuve. Ma mère mettant à l’épreuve la force de résistance de notre cage thoracique —allait-elle céder ? Non, elle n’a pas cédé, au contraire elle est devenue si vaste que par la suite et même maintenant rien ne peut la remplir ni la nourrir. Ma mère nous faisait boire à la veine ouverte du Lyrisme tout comme nous plus tard, ayant ouvert les nôtres, nous nous efforcions de faire boire à nos enfants le sang de notre propre douleur. Leur bonheur est que ce fut un échec, le notre — que ce fut un succès.
    Après une mère comme elle, il ne me restait plus qu’une chose à faire : devenir poète. Afin de disperser ce qu’elle m’avait donné, ce dont qui m’eût étouffée ou transformée en violateur de toutes les lois humaines.


    Marina Tsvetaeva, Ma mère et la musique, p.51.



    A quoi maman m'a fait dire par Chloé qu'elle n'avait rien compris, et Matthieu m'a répondu qu'il avait toujours trouvé superbe ma cage thoracique. Il s'agit de papa et moi bien sûr, mais -- où l'on voit pourquoi je ne suis pas du tout poète-- le Lyrisme en moins. Que reste-t-il? La mise à l'épreuve.

    Autre chose, il faut être honnête: papa a tout fait pour nous et rien pour lui. Il ne s'agit pas de cet égoïsme immature de la mère Tsvetaieva.
    Mais en fait cela revient au même: faire pour nous en l'occurence revenait à faire pour lui, car tout ne visait qu'à réparer l'inadéquation/imperfection/inexactitude qu'il se sentait incarner --avec toute sa propension à se sentir incarner les choses. La FELURE n'est-ce pas, on reconnait donc déjà la vacuité de l'entreprise (ceci dit ce thème rachète l'intention... c'était pour l'épargner à ses descendants!)... Autrement dit: bien naturellement, ce qu'il a fait (moi) il l'a fait selon ce que lui pensait être le bien pour un être humain. Ce bien, il le définit par rapport à sa propre imperfection/fêlure. Or si l'on se place de son point de vue (ce qui est impossible, je pressens donc la conclusion absurde ou révélatrice), on voit bien que me faire/praxis moi était la seule chose qui pouvait lui apporter la paix. Seul un acte le pouvait. Un acte = une modification; c'est l'histoire de la praxis/poesis mais ici par proccuration car le sujet (papa) n'est pas modifié lui-même par l'acte (il ne le peut pas il est trop tard, d'où la nécessité d'un acte et non d'une analyse), c'est la modification de l'autre --l'enfant, son "engendré"-- qui compense son propre déséquilibre. Une vrai mythe grec, quoi. Cet acte, effectué en accord avec lui-même (avec son vouloir-être = son moi profond puisqu'on n'est réellement que notre tension vers notre "nous" authentique voulu) lui restitue son propre accord. A celà s'ajoute la précieuse et unique gratification d'un tel acte, moral et juste (accord), qui répare son imperfection à lui, sa dissonance pour lui restituer enfin un son rond et plein.

    Hey, tu parles de quoi, là? Tellement rond et plein qu'il n'y a cas voir sa mort, tordue et vide...

  • Napoléon, Jésus, le pape et le poète

    Pour la question sur la poésie: je m'exprime donc fort mal à nouveau, j’ai des problèmes de niveau de réalité. En fait, quand je dis "Est-ce que la poésie des poètes peut être expliquée sociohistoriquement…", par « poésie des poètes », j’entends l'expérience d'écrire des poèmes. Ou plutôt je désigne le fait qu’il y ait des choses comme la "poésie", je me questionne sur ce que ça signifie : que ces choses traduisent une expérience absolument singulière. C'est-à-dire que je m’interroge sur le phénomène Poème, avec un P majuscule parce que c’est le symbole d’un dépassement de l’expérience usuelle réaliste du réel (qui n’est pas peu, cette expérience, elle est tout).

    Par exemple dans Le Diable de marina Tsvetaieva : il y a un poêle gris dans la chambre de Valérie, c’est un poêle parce qu’on peut s’y chauffer. Le mot « Poêle », quand je m’y chauffe, veut dire poêle. Mais dans un poème, « poêle » peut vouloir dire n’importe quoi. En l’occurrence, si Tsvetaieva petite voit un diable assis sur le lit à la place du poêle, alors c’est un diable. Le poème incarne donc l’expérience (réelle !) d’un monde où un poêle est le diable, par exemple! Et surtout qui peut décider s’il s’agit du poêle gris ou d’un diable à tête de dogue ! Ce n’est pas clair, je sais. Mais à vrai dire ce n’est pas le propos, c’est juste pour montrer le poids que je vois dans cette stupide question.

    Il s’agit du Poème comme signe (résultat) d’une expérience (souvent il est l’expérience elle-même). C'est-à-dire finalement que le phénomène Poème représente, pour moi, l’excédent de sens que seul l’homme peut produire. Enigme. Il représente (d’où le P) ce qui dépasse le donné, qui est pourtant la seule chose (si immense !) que nous ayons : « à ce titre, tous les arts sont poème…En tant que « don » qui est surabondance inexpliquée par rapport au déjà-donné, à l’habituel, l’art véritable est Poème. Il dit toujours plus qu’il ne représente » dixit mon livre sur la poétique de la foi, parlant de Heidegger. Voilà ce qui est fou : l’homme « habite en poète » son monde. Non seulement il l’habite au sens fort où il en est le gardien, au sens ou il n’y a pas de monde sans l’ouverture de la signification qu’il effectue, mais PLUS que ça (il ne se contente pas d’attribuer le sens de « chauffage » au poêle, parce qu’il s’y chauffe), il peut ouvrir ce qu’il veut comme monde, et il vit ces mondes de fou (pour moi ce qui compte c’est l’expérience, et à ce titre il n’y a pas de différence entre une expérience vécue seulement à l’intérieur et une expérience « réelle »). Et de ça, l’existence des poèmes est la preuve, le signe, le résultat, et la possibilité de le communiquer.

    Voilà ce que je demandais à la forme négative : un tel phénomène peut-il être éclairé par une approche socio-antropologico-historique ? C’est juste que si je réfléchis à pourquoi la socio-politique ça ne m’intéresse pas vraiment, c’est que ce qui m’intéresse sont des phénomènes plus universels, à mon avis plus profonds, sur lesquels l’analyse socio-anthropoetc… d’après moi n’a aucune prise (en a mais à un niveau parfaitement sans conséquence pour ce qui nous occupe). C’est une question capitale : si un poêle peut être vécu comme un diable, alors c’est peut-être un diable. Ahahah ! J’aimerais beaucoup, effectivement, éclairer ça.

    Tout phénomène est par définition dans la lumière (phôs, en Grec, la lumière, et phainoménon…etc), mais justement il faut faire l’effort de comprendre ce que ça signifie, ce fait là, ce phénomène là, le fait que ça arrive (que ça se manifeste), pour l’essence de l’humanité. Llorsque je dis « ce que ça signifie » je dis : qu’est-ce qui en résulte comme éléments ontologiques ? Il faut toujours tirer les conclusions ontologiques des choses, sinon on ne fait qu’une énumération de propriétés sans portée aucune, c'est-à-dire qui ne fait pas avancer l’humanité (la compréhension de l’humanité) d’un iota. C’est de ça que je parlais aussi quand je disais que les gens en général parlent mais ne savent pas ce que signifie ce qu’ils disent.

    Quant aux études littéraires en général, je ne pense pas qu’elles aident à poser ce genre de question, voire même l’inverse : on s’occupe de la poésie (ok, sans l’éclairer ni l’expliquer et tout, normal ça ne s’y prête pas, ce qu’on y fait est cependant bigrement intéressant, chercher à ressaisir l’expérience singulière que le poème traduit…), certes, mais l’attention portée à l’objet nous fait oublier de tourner le regard vers le phénomène lui-même : c’est quoi, un poème ? L’un n’empêche pas l’autre, c’est sûr, mais une préoccupation détourne d’une autre, souvent. C’est tout.

    Je trouve très très drôle qu’à mon affirmation « je vais être une poétesse symboliste russe » D. me réponde « et moi ? ». Et elle…éh bien, puisqu’elle me demande…elle sera Napoléon. C’est hyper drôle ! Mais ce doit être seulement une manière en anglais de dire « mon cul », c'est-à-dire « pourquoi pas le pape tant que tu y es », quoique je ne voie pas pourquoi elle ne serait pas le pape, puisqu’on se situe déjà dans un niveau de possibilité tout particulier puisque je suis Jésus! Le poêle gris peut bien être le diable et elle le pape ou Napoléon! Voilà encore l’importance immense (cette fois psychologique) de la question. De tout cela dépend le fait que je puisse être Jésus —ou une poétesse symbolique russe—. Moi je me vis Jésus (d’où le « feeling » Jésus), ça ne dépend pas des autres, c’est une expérience. Donc pour moi je suis Jésus, puisque je le vis. Irréfutable. C’est tout. En fait ce que j’essaie de montrer depuis le début, c’est que je suis un poète !! Ridicule. J’aurais dû commencer par là. Oups, je n’avais pas compris que toute cette montagne ne servait qu’à tenter de justifier philosophiquement ma non-réussite sociale, ma marginalisation eu-égard au marché du travail et à la réalité, pour m’en déculpabiliser ! Donc je ne suis vraiment pas originale, parce que tout cela peut être résumé en « moi je suis un poète et je vous emmerde »…

  • pense-bête

    Notion d’ « engagement affectif maximum » (inventée dans les débuts difficiles de ma relation avec F.), je le réclame et le revendique. C’est la moindre des choses. C’est simplement l’idée d’aucune réserve « au cas où ». J’ai en horreur la réserve, le fait de se réserver un peu de soi dans un coin, un peu de marge de côté. Berk.

    Question à poser à D. : oui, on peut se demander des choses « quelles en sont les conséquences politiques », mais surtout elle devra répondre à : est-on dans une société qui permet (autorise, rend possible) le sentiment de transcendance (wow, ici ça ne semble avoir aucun rapport avec rien, on dirait un dialogue de sourds !)?

    Il y a des poètes partout, des mystiques partout.

    Ce qui est important : le lien entre la révélation et les mots, et entre la société et les mots. Le lien est clef.

    EXIT : la pensée !

    Est-ce que la poésie des poètes peut être expliquée socio historiquement ?

    Qu’est-ce qui déciderait de savoir si le diable que voit M. Tsvetaieva voit à la place du poêle de la chambre de Valérie n’est pas un diable, mais un poêle ? Elle voit le poêle, mais elle vit le diable. Qui dit qu'une expérience vécue est superieure à l'autre?