hiérarchie entre l'être-intelligence et l'être-durée ?
[c'est mon combat ça, la lutte contre une évaluation des modes d'être qui instaure nécessairement une hiérarchie (car la valeur -bien/mal- implique le mieux/moins bien). Ce qui trouve son origine comme d’hab’ dans de l’existentiel, il me faut que toutes mes modalités aient autant de valeur, probablement parce qu’il me faut accepter et non pas chercher à maîtriser]
en tout cas c'est certain, — le fait qu'il y ait une hiérarchie et donc que la distinction espace/durée intelligence/intuition soit normative : il faut aller de l'intelligence à l'intuition parce que c’est mieux)— pour l'Essai sur les Données immédiates...
Mais point pour l’E.Créatrice.
La question est de savoir s'il faut interpréter cette tendance de l’Essai… à la lumière des développement ultérieurs de l'E. Créatrice [qui nivellent les différentes modes d’expérience (intelligence/intuition) en égales et indifférentes modalités de la vie] et auquel cas opter pour une lecture de l’Essai qui gomme la hiérarchie et essaie d’estomper la circonscription du concept de vie dans le domaine psychologique ( en gros : E.C. étend la vie hors du psychisme, hors de l’homme et ce dernier devient simple modalités de la vie et ses modes d’êtres itou. Indifférence.) ; ou s’il faut interpréter l'Evolution Créatrice à partir des présupposés psychologisants de l'Essai.
Barbaras a tranché ce matin même en faveur de cette dernière hypothèse.Voilà qui est réglé. Ce qui est marrant c'est que c'est la même question que j'ai souvent (pathologiquement et contre tout bon sens philologique) défendu chez Heidegger: le fait qu'il n'y ait pas de hiérarchie de valeur entre authenticité et inauthenticité, 2 modes du dasein -l'ontologie ne connaît pas de valeur. Mais évidemment c'est assez faux du point de vue existentiel, or l’ontologie n’a d’intérêt que pour (ou pensée à partir de) ses conséquences existentielles.
Par contre pour la scleeerose je ne vois toujours pas. Chez Berg_son il n'y a pas de surenchère de l'intelligence possible, je crois. L'intelligence est une faculté, c'est tout, qui spatialise parce que, de fait, on est confrontés (il faut partir de l’exigence de cette confrontation) à de la matière inorganisée. La spatialisation est le traitement réservé à cette matière que l’on a dans les pattes, et l'intelligence est la fonction qu’a produit la vie pour ça- gérer notre incarnation finalement. Mais il est absurde, et c’est ce que voudrait le thème de la scleerose, penser notre activité d’intelligente de manière « cumulative » : on ne peut être intelligent « plus souvent » ou « depuis plus longtemps », je crois, ça n'a pas de sens (et donc l'idée de scl. me semble impossible à tenir ici - il y a quand même l'idée de procès (de durcissement): une scleeerose s'empire. J'ai l'impression que chez Berg_son ce n'est pas que plus on est intelligent, plus on est intelligent ; on l'est, depuis le début, c’est une faculté aussi originaire que notre confrontation à la matière, on spatialise, c'est tout, et pas de plus en plus. oui on étend le règne de l'intelligence de manière abusive à la pensée, mais cette extension est elle aussi nécessaire à la mesure de la nécessité de la pensée représentative, pour l'essence de l'homme. En plus cette extension est plutôt le signe d'un dynamisme de l'intelligence, qui se libère des choses par l'intermédiaire des signes, que d'une scleeerose. En tout cas ce déplacement de la fonction intelligente est lui aussi originaire —la représentation est originaire chez l’homme, attention il faut comprendre la genèse qu’en fait Berg_son (comme celle d’une dérivation, d’un déplacement) au niveau de la vie comme procès d’évolution des espèces. Pas à partir de l’homme. L’homme est le produit de cette évolution, il est donné avec la pensée par représentation. Cette dernière n’est donc pas le fruit d’une scl./déplacement de l’intelligence chez l’homme, seulement à la rigueur au niveau de l’évolution. Reste à savoir si on peut parler de scl. pour l’engagement de la vie dans la matière ; ça me semble gratuit et bizarre (parce que la scleeerose contient bien cette notion de valeur, étrangère à la vie -anthropomorphisme). Bref (ça va devenir brumeux si ça ne l'est pas depuis le début).
En outre, par rapport à l'image du quadrillage (projection, sur un réel qui est essentiellement durée, d’un quadrillage spatialisant qui dénature l’indivisible de la durée en le rendant composite) dont on saurait d'abord ce qu'il quadrille mais on l’oublierait petit à petit et on ne verrait plus que le quadrillage, le substituant au réel), je la comprends mal dans ce cas: car Berg_son explique en long et en large que la durée est radicalement hétérogène à l'espace etc. Ce qui veut dire que le quadrillage (l’intelligence spatialisante) dénature fondamentalement le réel et qu’ainsi jamais on ne voit la durée (le réel) à travers l'intelligence (le quadrillage). Ainsi: l'intelligence ne sait pas ce qu'elle quadrille (ne sait pas qu’elle est un quadrillage) et ne peut le savoir. Et ce n'est pas que plus elle quadrille, moins elle y voit clair. Il n'y a pas de scl. en ce sens, me semble-t-il, pas d'aveuglement progressif d'une intelligence qui deviendrait automatique. Elle l'a toujours été; elle a toujours manqué le réel - c'est pour ça, dit Berg_son, que la biologie comme science des parties échoue à penser le vivant: d'une recomposition d'un tout décomposé (alors qu'il n'était pas décomposable) on ne retrouve jamais l'unité originaire. Bref toujours plus brumeux (mais c'est assez clair dans ma tête).
Oh et puis j'ai certainement tort pour plein de choses, en fait ce genre de raisonnements radicaux et caricaturaux se présentent souvent à moi comme le motif d'une réflexion. Pour résumer: hiérarchie oui, mais pas scl. D'où la comparaison avec Freud: ce n'est pas que plus on est conscient souvent/depuis longtemps, et plus on est définitivement conscient. On est conscient, c'est tout. Et on peut, éventuellement, accéder à la réalité plus profonde qu’est l’inconscient, et on n’y accède pas plus difficilement sous prétexte qu’on est conscient depuis plus longtemps. Le moment décisif est la prise de conscience de cette dimension plus profonde, qui peut se produire ou pas, et ne se produit pas moins si on est conscient depuis plus longtemps (ce qui est absurde parce que ça revient à dire « si on existe depuis plus longtemps). Ce qui serait intéressant à développer en fait justement, c'est le fait que chez Freud il s'agit de revivre le traumatisme vécu dans un passé ancien pour lever le refoulement , et là effectivement plus le temps a passé, plus le refoulement est fort. Ainsi il y aurait une forme de scl., qui serait la pathologie même (le refoulement du refoulement, en fait). Mais en fait non, on ne peut assimiler la théorie dynamique du refoulement à une scl., c'est presque contradictoire (le mécanisme du refoulement est justement l’occultation, ce n’est pas un durcissement/oubli progressif contingent) .
En fait : Recouvrement n'est pas scl., c'est ce que je veux dire depuis le début.
**M. me dit hier que c’est dans la Matière et Mémoire que se trouve le thème de la scl.. Je veux bien comprendre comment la mémoire alourdit la structure de l’intelligence avec le temps (cumulatif), mais ça fonctionne seulement dans l’ordre de la psychologie. Si on change de plan, l’homme est simplement fait comme ça pour l’adaptation. Pas de scl. Mais je ne sais pas et ne connais pas Mat.Mém.